Après la multiplication des agressions racistes contre des noirs africains, des chinois, des gitans... les associations militant contre le racisme et la xénophobie ont manifesté, samedi, dans plusieurs villes italiennes, aux côtés des émigrés, pour dire « Basta au racisme » et exhorter le gouvernement à agir pour éviter « la chasse à l'étranger ». Rome (Italie) : De notre correspondante Suite aux nombreux actes de violence raciste perpétrés contre des immigrés ces derniers jours, un malaise règne parmi les différentes communautés ethniques vivant dans la péninsule. si pour la plupart des victimes rouées de coups dans la rue en plein jour, il a fallu recourir à des soins médicaux intensifs, pour Abdul, devenu la victime symbole de cette montée de l'intolérance envers les étrangers, il n'y a malheureusement plus rien à faire. Le racisme tue. ce dramatique constat s'est vérifié à Milan le 15 septembre dernier, lorsqu'un jeune burkinabé, portant nationalité italienne, a été battu à mort par deux commerçants milanais qui l'accusaient d'avoir dérobé quelques biscuits. Les amis de Abdul Graibe, mort à 19 ans, ont raconté que les deux agresseurs, le père et le fils ont battu la victime à l'aide d'une barre de fer, en la traitant de « sale nègre ». Les parents de Abdul, qui vivent à Milan depuis des décennies, ont inhumé leur fils dans un cimetière musulman, dans leur pays d'origine et ont réclamé « justice et non vengeance » pour leur enfant tué. La justice milanaise n'a pas retenu cependant, la motivation raciste dans le procès intenté aux deux assassins. Quelques jours après, c'est un autre jeune noir, Emmanuel Bonsu Foster, 22 ans, originaire du Ghana, qui a été sauvagement rossé par sept agents en civil, qui ont affirmé l'avoir pris pour un dealer. Etudiant, Emmanuel sortait d'un cours du soir qu'il fréquente dans un institut de formation technique à Parme, lorsqu'il a été immobilisé par un groupe d'hommes. Croyant à une agression, il tente de s'échapper. Arrêté, puis violemment frappé, il est mis en garde à vue, il ne fut relâché que plusieurs heures après, se voyant restituer ses effets personnels mis dans une enveloppe portant l'inscription, « Emanuel, négro ». La police dément en bloc et affirme l'avoir arrêté pour outrage et résistance physique à sept agents, un Emmanuel, chétif jeune homme qui porte mal ses 22 ans, car doté de la taille d'un enfant de 10 ans très maigre et petit. La victime, des ecchymoses au visage et l'œil au beurre noir, s'est présenté devant les caméras de télévision pour attester de sa bonne foi, après avoir déposé plainte contre les policiers. La police nie et poursuit les victimes Le même commissariat de Parme avait déjà défrayé la chronique quelques semaines auparavant, lorsqu'une photographie montrant une prostituée nigérienne allongée à moitié nue, les jambes souillées sur un parterre froid d'une cellule du poste de police, fut publiée par la presse locale. La police italienne, celle des frontières cette fois, est lourdement mise en accusation dans une autre affaire de mauvais traitement révélée, hier, par des associations pour la défense des droits de l'homme et racontée par les médias italiens. Amina Sheikh Saïd, une somalienne de 51 ans a été arrêtée à l'aéroport de Ciampino (Rome), en juillet dernier de retour d'un voyage à Londres. Citoyenne italienne, musulmane pratiquante et voilée, Amina a été sommée de se dévêtir complètement par les agentes chargées du contrôle des passagers, qui l'ont maintenue en garde à vue nue pendant plusieurs heures, prétendant même, selon le récit de la plaignante, qu'elle devait se soumettre à une autre fouille jusque dans ses parties les plus intimes, car suspectée d'abord, d'être une criminelle appartenant à un réseau de trafic d'enfants elle était accompagnée de ses quatre petits-enfants ensuite accusée d'avoir des stupéfiants dissimulés dans son corps. Conduite à l'hôpital par les agents qui l'ont humiliée, traitée de « négresse » et menacée d'être internée dans un service psychiatrique, poursuit Amina, elle a dû subir des examens radiologiques pour démontrer qu'elle n'avait pas ingéré des capsules contenant de la drogue. La femme raconte ne s'être toujours pas remise de l'humiliation subie et a déposé plainte contre la police des frontières italienne, qui a défendu le comportement de ses agents, tentant même de les disculper en portant plainte contre la victime pour diffamation. Ce n'est pas le seul épisode de grave discrimination raciale enregistré dans la capitale italienne. Un père de famille chinois, 36 ans, a été sauvagement battu par une bande de sept mineurs, alors qu'il attendait son bus dans le quartier Tor Bella Monaca, dans la banlieue romaine. Il n'a dû son salut qu'à l'intervention d'un autre passant et il s'est retrouvé à l'hôpital avec un traumatisme crânien et le nez fracturé. Le même jour, un vendeur ambulant sénégalais est violemment agressé à Milan à coups de batte de base-ball par un autre vendeur italien. Les autres émigrés vivant en Italie craignent de voir ce genre d'agressions se multiplier, surtout que les autorités italiennes ont tendance à minimiser ce genre de graves dérives de la sécurité des étrangers. La presse, notamment celle de gauche a, hier, consacré ses premières pages à cette alarmante situation. Le quotidien communiste Il manifesto, publie en gros titre, « A présent, basta », alors que l'autre journal communiste, Liberazione, titre lui, « Italie, alarme racisme ». Selon un sondage mené par le quotidien La Republica, 84% des italiens affirment ressentir une inquiétude face à la montée importante du racisme. L'Eglise catholique, par la voix du pape Benoît XI, qui a été reçu, hier, par le chef de l'Etat italien, Giorgio Napoletano, a accusé le gouvernement de Silvio Berlusconi de « réduire les droits des émigrés au minimum », ne s'employant qu'à mettre au point « les procédures d'expulsion » et a appelé à « respecter la dignité des autres partout et à combattre le racisme ». Il faut dire que des décennies de propagande xénophobe et islamophobe, de dénigrement et d'attaques verbales contre les émigrés, allégrement menés par des partis politiques de droite comme la Ligue du Nord, l'Alliance nationale, en toute impunité et dans une indifférence quasi-générale, a dégénéré en véritable intolérance envers les étrangers. Et lorsque des chefs de la Camorra ont exécuté sept africains (togolais, ghanéens, libériens..) à Casal Volurno à Caserte (Région de Naples), pour imposer leur loi y compris aux émigrés, c'est toute la communauté africaine en situation irrégulière, exploitée, marginalisée qui s'est soulevée, manifestant elle aussi, hier, sa colère et son ras- le- bol. La crise économique a engendré un fort sentiment d'insécurité parmi les italiens qui s'en prennent aux émigrés, devenus les véritables souffre-douleur des couches défavorisées. Une étude évaluant la nature des préoccupations des citadins européens, menée par le Centre de recherches socio-économiques (Censis) sur une dizaine de métropoles européennes a démontré que 58% des habitants de Rome, avouent éprouver un fort sentiment d'insécurité, contre une moyenne de 36% dans les autres villes.