Les attentats, agressions et intimidations dont sont victimes depuis deux ans les ressortissants de l'immigration maghrébine en Corse se sont aggravés de manière inquiétante ces derniers mois. La population immigrée de Corse -10% de la population totale, sur lesquels 42 % sont originaires du Maroc - vit dans l'inquiétude. Cette escalade a amené les associations antiracistes de l'île, elles-mêmes menacées -Amnesty International, la Ligue des droits de l'homme et le collectif antiraciste Ava Basta- à appeler à un rassemblement de protestation. Un demi-millier de personnes se sont rassemblées samedi à l'université de Corte (Haute-Corse). C'est la première fois qu'une manifestation d'une telle ampleur est organisée contre le racisme en Corse, selon ses organisateurs. Les élus nationalistes Jean-Guy Talamoni, Edmond Simeoni et Jean-Christophe Angelini, conseillers territoriaux et leaders des trois mouvances majoritaires, étaient présents à la réunion. Une motion condamnant les actes racistes sera soumise au vote de l'assemblée de Corse jeudi. Vendredi 17 septembre, sur le cours Napoléon, artère principale d'Ajaccio, le pompiste-gérant de la station Esso, d'origine marocaine, a été exécuté en plein jour de quatre balles de 11-43 dans le corps et d'une autre sous le menton par deux hommes à moto et casqués. Mohamed El Gouy avait fait l'objet en 2002 d'une agression à l'arme blanche. Dans la nuit de vendredi à samedi, le véhicule de service d'un agent du consulat du Maroc à Biguglia, à une quinzaine de kilomètres au sud de Bastia (Haute-Corse) était visé par une tentative d'attentat. Le 3 septembre, c'est la villa d'un entrepreneur d'origine algérienne, Maâmar Cherfi, qui était plastiquée pour la seconde fois en quelques semaines. Des inscriptions racistes - « Terra Corsa, Arabi Fora » (Terre corse, les Arabes dehors) -, signées par un mouvement clandestin anonyme, recouvraient les murs. On compte 56 faits de cette nature commis en 2003 et plus d'une trentaine depuis le début de l'année. « Il est indéniable que la Corse connaît depuis quelques mois une recrudescence de manifestations d'intolérance et d'actes xénophobes et racistes : graffitis sur les murs (« Arabi fora », soit « les Arabes dehors »), drapeaux brûlés, insultes et agressions physiques », déclare le préfet, quelques heures après le meurtre de M. El Gouy à Ajaccio. « Et il y a aussi les attentats revendiqués par des mouvements clandestins et les menaces adressées aux défenseurs des droits de l'homme », a poursuivi le préfet. Depuis plusieurs mois, le groupe « CC-clandestini corsi » signe des attentats contre des Corses d'origine maghrébine. Son mot d'ordre : « La terre corse aux Corses ». Un autre groupuscule clandestin, Resistenza Corsa, revendique un attentat commis quatre jours après Noël dans la rue Droite, en raison de « la forte présence étrangère ». Ces dissidents rejoignent l'été suivant le FLNC-Union des Combattants. La responsabilité indirecte des nationalistes est montrée du doigt par les associations antiracistes, qui les accusent d'alimenter par leurs revendications de « priorité aux Corses » le racisme antimaghrébin.