Six individus ont été condamnés par le tribunal de première instance près la cour de Biskra à quatre ans de prison ferme assortis de 100 000 DA d'amende chacun pour « non-respect d'un fondement de l'Islam, le Ramadhan », selon le chef d'inculpation retenu par le juge. C'était la veille de l'Aïd, dimanche 29 septembre. Si la chose passe inaperçue chez la plupart des Biskris et fait même l'objet d'un consentement en ce qu'elle représente l'occasion de donner l'exemple et de redresser le tort causé aux sentiments religieux de la population, des points de vue juridique et politique, elle risque de constituer une autre violation des droits de l'homme qui vient ajouter une louche à la campagne de moralisation culminant après l'affaire Habiba K., de Tiaret, et la levée de boucliers contre une soi-disant campagne d'évangélisation qui viserait l'Algérie.Selon la version officielle, 27 personnes, dont 2 mineures, ont été surprises et ensuite arrêtées dix jours auparavant par la police au jardin public Djenane El Beylek en train de manger pendant la journée. Tous ont reconnu les faits avant d'être obligés de signer des décharges exprimant leurs regrets, après quoi ils ont été relâchés. Six autres individus, âgés entre 30 et 50 ans, ont été arrêtés en flagrant délit le même jour, en train de jouer aux cartes et en possession de denrées alimentaires qu'ils consommaient en plein jour et en plein centre-ville, dans un coin, près du cercle du club de football de l'US Biskra. Pour le citoyen lambda, c'est un sacrilège puisque le musulman n'est pas censé manger avant la rupture du jeûne prévue chaque jour du Ramadhan à l'appel de la prière du maghreb. En revanche, compte tenu de la constitution algérienne et de la loi qui en découle, il n'est mentionné nulle part que les citoyens « confondus » dans pareille situation doivent subir des peines. Selon un spécialiste du droit algérien, l'acte pour lequel ces personnes ont été condamnées ne tombe sous la force d'aucune qualification pénale. Il s'agit d'une première dans les annales judiciaires, affirme-t-il, sachant que la constitution, notamment dans son article 36, garantit la liberté de conscience et la liberté d'opinion. « Le seul cas où des actes pareils sont incriminés a été introduit dans le Code pénal à travers les amendements d'Ahmed Ouyahia en 2001 et concerne exclusivement l'acte journalistique », ajoute notre source. Il s'agit de l'article 144 bis2 qui, sous l'intitulé « Outrage et violence contre les fonctionnaires et les institutions de l'Etat », stipule : « Est puni d'un emprisonnement de 3 à 5 ans et d'une amende de 50 000 DA à 100 000 DA quiconque offensera le prophète ou l'un des envoyés de Dieu ou dénigre les dogmes ou les préceptes de l'Islam, que ce soit par voie d'écrit ou de dessin, de déclaration ou tout autre moyen. Les poursuites sont engagées d'office par le ministère public. » A partir de là, c'est la qualification même du délit qui a été faussée au départ. Le fait de ne pas jeûner n'est pas reconnu comme crime ou délit par le législateur algérien, ajoute notre source, bien plus que cela, la loi divine elle-même ne prévoit pas de pénalité sévère et même le régime des taliban n'est pas aussi strict. Me Boudjemaa Ghechir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), considère de son côté que « l'interprétation du juge de l'esprit de l'article 144 bis2 n'est pas juste ». Et d'ajouter : « Ces personnes ont été condamnées pour s'être moquées d'un précepte de l'Islam, alors que rien ne prouve qu'il s'agissait de moquerie. »