Mohamed Senouci est aussi expert au Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) dont le rôle est d'évaluer l'information scientifique, technique et socio-économique pertinente pour comprendre le risque du changement climatique d'origine humaine. La vallée du Mzab vient d'être ravagée par des pluies torrentielles. Pouvez-vous nous expliquer ce phénomène météorologique de plus en plus récurrent en Algérie ? Ce qui s'est produit à Ghardaïa est un phénomène météorologique classique, mais il est d'une violence extrême. Cet événement ravageur de la vallée du Mzab a été provoqué par une situation de concentration de masses d'air en conflit. Autrement dit, il s'agit d'un événement météorologique violent qui se produit lorsqu'un orage contenant une masse importante d'eau la déverse en très peu de temps sur une région limitée. Ces pluies causent souvent des inondations, en particulier lorsque le relief est accidenté et que la pluie ruisselle dans des pentes vers une vallée, causant la crue d'un cours d'eau. C'est le cas de Ghardaïa. Ce type d'orage dépend en effet de la disponibilité d'humidité, d'un faible cisaillement des vents avec l'altitude et d'une circulation atmosphérique particulière. Le changement climatique n'est-il pas en cause ? On ne peut pas affirmer que ce phénomène soit dû aux changements climatiques. Comme on ne peut l'exclure. Aujourd'hui, toutes les recherches indiquent que dans les régions de la Méditerranée, de telles pluies et orages deviendront de plus en plus fréquents. Ce qui s'est produit à Ghardaïa peut se produire dans n'importe quelle région du pays. On doit s'attendre à l'accentuation de ces phénomènes météorologiques qui seront de plus en plus violents et donc dangereux. Dangereux parce que des quantités importantes d'eau sont déversées en l'espace de quelques minutes. La responsabilité humaine est-elle engagée ? Si une région est bien préparée à de tels phénomènes aussi bien au niveau de la sensibilisation de la population que de l'aménagement du territoire, des pluies torrentielles ou des orages peuvent avoir lieu sans provoquer d'importants dégâts. Dans le cas de Ghardaïa, les dégâts auraient été minimes si la population était préparée à affronter de telles situations et la ville conçue et bâtie de sorte à faire face à ce genre de phénomènes naturels. Lorsqu'on parle de catastrophe naturelle, il faut aussi tenir compte de la nature de notre tissu urbanistique et du niveau de préparation de la population. L'Algérie est entièrement vulnérable aux catastrophes naturelles. On n'a pas tiré tous les enseignements nécessaires de la catastrophe de Bab El Oued le 11 novembre 2001. Il y a toujours un manque de coordination entre les services de météorologie et les autres services techniques. Que faire pour réduire ce niveau de vulnérabilité ? Il faut tenir compte de la topographie dans la conception des villes et tenter d'adapter le bâti de sorte à ce qu'il puisse résister à ce genre de phénomène. Il est important également d'assurer une meilleure coordination entre les services météo et les autres services techniques, mais aussi de préparer la population à y faire face.