On trouve dans le quatrième rapport sur les changements climatiques un message-clé sur les effets des gaz à effet de serre que nous allons devoir supporter pendant des dizaines d'années. Il est étonnant qu'aucun des pays du Sud n'ait réagi… » Mohamed Senouci, à Oran, fait partie du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui a reçu cette année le prix Nobel de la paix avec l'Américain Al-Gore. Comme d'autres, il est appelé à participer à partir d'aujourd'hui, et jusqu'à vendredi, à Valence, en Espagne, à la réunion de validation de ce quatrième rapport. Un document historique et unique appelé à servir de référence aux politiques, aux acteurs économiques, sociaux… lors des négociations mondiales. « Sur un événement d'un tel enjeu, l'Afrique a une stratégie à défendre, poursuit Mostefa Kara, directeur de l'Agence nationale pour les changements climatiques, aussi membre scientifique du Giec. Le Nepad (programme pour le développement africain) devrait être présent. Or, ce n'est pas le cas. » En d'autres termes : le réchauffement climatique intéresse peu l'Afrique en général et l'Algérie en particulier. Pourtant, les experts sont unanimes : les feux de forêt de cet été et les inondations de cet automne, par exemple, sont des signes qui devraient alerter les pouvoirs publics. Pas de quoi s'alarmer ? A en croire les scénarios du Giec, il y aurait pourtant de quoi. Béjaïa menacée par l'eau Les côtes africaines sont menacées par la montée des eaux. Le directeur exécutif du Programme des Nations unies pour l'environnement a prévenu, jeudi dernier : « Selon certaines projections, le réchauffement climatique pourrait affecter jusqu'à un tiers des infrastructures côtières de l'Afrique d'ici la fin du siècle. Nous savons que nous connaîtrons une augmentation du niveau de la mer de 20 à 60 centimètres sur cette période et des infrastructures portuaires ou des raffineries en paieront le prix. » L'Egypte, la Tunisie ou encore les pays du Golfe de Guinée sont très exposés, la région de Béjaïa aussi, d'ici 2025. « En cinq ans, précise Mostefa Kara, la côte a reculé de 300 m. Si on veut développer le tourisme, il est temps de mener des études d'impact. » Le désert à Médéa Selon le Giec, les pluies ont diminué de 25% en trente ans dans le Sahel. « Tous les scénarios envisagent l'aggravation de ce fléau dans les prochaines décennies, tant à cause des changements climatiques qu'en raison de pratiques d'élevage et de culture inadaptées, de l'instabilité des prix agricoles ou de l'insécurité », rappelle Marc Bied-Charreton, président du comité scientifique français de la désertification. « D'ici 2025, le désert pourrait monter jusqu'à 100 km au nord de Djelfa (Aïn Ouassara, par exemple), précise le directeur de l'Agence pour les changements climatiques. Et d'ici 2040, il pourrait atteindre Médéa. » Il y aura aussi davantage de tempêtes de sable. Le paludisme à Alger Les changements dans les températures et les précipitations auront de nombreux effets néfastes sur la santé humaine. Les hausses de température élargiront les habitats vecteurs de maladies. Peut-on pour autant imaginer le paludisme monter jusqu'en Afrique du Nord ? « Bien sûr, assure le spécialiste. Les moustiques vont s'adapter. L'Europe du Sud elle-même s'y prépare. » Mohamed Senouci, membre scientifique du Giec, ajoute : « Le réchauffement perturbe tous les systèmes et peut faire resurgir des maladies jusque-là maîtrisées. » Le rapport précise dans ce sens : « Quand l'infrastructure sanitaire est insuffisante, les sécheresses et les inondations entraînent une augmentation de la fréquence des maladies d'origine hydrique. » Et là, pas besoin d'attendre 2025, l'Algérie est déjà touchée (typhoïde, néphrite aiguë).