Si le tissu du cadre bâti n'a pas bougé d'un iota depuis l'époque coloniale, c'est que dans cette zone un problème d'assiette foncière a été mis en avant pour justifier cette léthargie. Ancien camp de regroupement créé en 1956 par l'occupant français, ce village, situé au sud de la commune de Aïn Romana, donne encore l'image d'une « mechta » des années 1950. Des maisons en blocs fabriqués à base de boue asséchée que couronne une toiture tapissée de tuiles rouges, des ruelles, au gré des saisons, poussiéreuses ou boueuses et pour cause, non revêtues… Exception faite : seules quelques formes cubiques dallées servant d'habitat à quelques propriétaires, apparemment dans l'aisance financière, commencent à s'ériger, dont la mosquée en cours de construction ou une annexe d'APC. De part et d'autre de cette bourgade que ponctuent quelques bâtis, style colonial, s'étendent des vergers, des forêts de chêne, de pin d'Alep et de la broussaille qui essayent de résister aux incendies. Rencontrés sur les lieux, les habitants parlent de ballottage systématique entre les responsables locaux qui, nous dit-on, leur ont promis, depuis longtemps des subventions dans le cadre de l'habitat rural. Le problème de ces villageois déportés dans cet endroit il y a plus de 50 ans réside dans le fait, apprend-on, qu'ils n'ont aucun acte justifiant la propriété des terrains qu'ils occupent. Sur le plan de la réglementation, seuls les dépositaires de biens situés en dehors des terrains relevant des domaines et qui ont regagné leurs zones rurales peuvent prétendre au « fameux » certificat de possession et ainsi bénéficier de la subvention allouée dans ce contexte. Toutefois, des habitants affirment qu'avant que l'occupant ne transforme cette zone en camp de concentration plus tard, après l'indépendance, en village, il y avait déjà des propriétaires originaires du site qui ont pu avoir le certificat de possession. Les autres, constituant la majorité, ne pouvaient ni construire sur les terrains relevant des domaines ni prétendre avoir le certificat de possession sur des lots de terrain relevant de la propriété privée. Ils ne peuvent même plus réhabiliter ces habitations précaires dont ils ne possèdent aucun acte de propriété. « La construction d'une annexe d'Apc sur le terrain de notre village prouve que les solutions existent. Après tout, nous sommes des citoyens algériens et donc des ayants droit qui peuvent au moins prétendre posséder un logis ou à la limite un bout de terre », débite un vieillard. Par ailleurs, Aïn Romana continue d'être victime de son isolement alors que plusieurs projets d'utilité publique ont été mis en veilleuse car les soumissions ont été déclarées infructueuses.