Après huit ans d'absence, l'artiste peintre Rékia Serferdjeli revient sur la scène artistique algérienne avec une imposante collection de tableaux qui orne, jusqu'au 5 janvier 2005, les cimaises au centre culturel de la radio nationale Nadi Aïssa Messouadi. Intitulée « Mémoires », l'exposition de Rékia Seferdjeli se veut un hommage à son fils unique décédé tragiquement, l'année dernière à la fleur de l'âge, et à toutes les victimes du terrorisme. En tout, ce sont pas moins de 31 œuvres anonymes de grandes dimensions qui, d'emblée, interpellent le visiteur par les couleurs sombres utilisées et par la thématique mélancolique abordée. Si, par le passé, elle se plaisait à peindre sa tendre ville natale d'El Bayadh colorée, aujourd'hui, elle change de registre, en taquinant une muse bien triste. La plupart des productions datent entre 1997 et 2004. Elle a mis trois mois pour préparer cette exposition de peinture poignante de douleur. Diplômée de l'Ecole supérieure des beaux -arts de Hanoi, au Vietnam, Rékia Seferdjeli est le pur témoin de son temps. Comment, dit-elle, « ne pas immortaliser sur du papier des moments forts de son existence ». Ses tableaux résument une décennie noire, celle qu'a traversée le peuple algérien au cours de la dernière décennie. Ses mains sont dominées par son cœur. Un cœur généreux et très sensible face à la bêtise humaine. Sa peinture est une peinture de l'instantané. C'est un moyen de refuge pour extérioriser une colère, une injustice et une révolte. Dans l'ensemble de ses créations, on retrouve des visages aux regards étranges, terrifiés, des femmes déambulant avec des enfants à la main, des vieillards perdus. Bref, Rékia nous présente son monde. Un monde entouré par des visages « malsains et qu'on ne connaît pas ». L'artiste est guidée par une force divine au moment de la réalisation de ses œuvres. Il n'y a pas d'inspiration de l'heure. C'est plutôt une pluie d'idées qui tombe. Ce qui est voulu, c'est la lumière. Le reste vient tout seul. « La peinture m'aide à me sortir de cette angoisse. Je porte le deuil de mon fils. Je suis doublement marquée par la tragédie algérienne. » A la fois expressionniste et impressionniste, la technique de Rékia est une composition de produits dont, entre autres, de la poudre de menuiserie, des tissus mâchés, des paillettes, des coquilles d'œufs, des feuilles d'argent et d'or. Ses productions sont, certes, entachées de souffrance et de douleur, cependant quelquefois des nuances d'espoir se devinent en filigrane par la prolifération de couleurs de l'espoir. L'artiste peintre Rékia Seferdjeli a exposé plusieurs fois en Algérie et au Pakistan. Sur un ton timide, elle affirme que ses tableaux ne feront l'objet d'aucune vente. Comme elle le dit si bien, elle ne peint pas pour vendre mais pour s'exprimer, faire connaître sa peinture... et ses angoisses. Rékia Serferdjeli n'a pas besoin, aujourd'hui, de se faire connaître puisque son nom est associé à ceux des grands maîtres de la peinture algérienne. Il suffit de se rendre à son exposition pour mesurer le talent et l'humilité qu'elle renvoie aux visiteurs.