Les prix du pétrole sont actuellement sous la barre des 80 dollars, alors que tout le monde parie sur une évolution à la baisse dans les jours à venir en raison de la crise financière internationale... Si nous n'arrivons pas à gérer convenablement la crise financière internationale, je crains fort que nous ne connaissions une longue période de dépression économique, peut-être même une récession qui touche déjà les USA, certains pays européens et qui risque de s'étendre à l'Asie. Le ralentissement général de l'économie mondiale entraînera, à coup sûr, une baisse considérable de la demande pétrolière mondiale, non seulement dans la zone OCDE, où c'est déjà le cas depuis 2005, mais aussi en Chine, en Inde et ailleurs. Il ne faut pas exclure, dans ces conditions, une détérioration encore plus poussée du marché pétrolier mondial. Quel serait, selon vous, le nouveau rapport du couple valeur du dollar et prix du pétrole dans ce contexte ? Il n'est pas dit que la récession annoncée de l'économie mondiale entraîne nécessairement un affaiblissement encore plus poussé du dollar. Tout dépendra de la façon dont les institutions financières internationales mettront de l'ordre dans le système monétaire actuel. Cela dit, il ne faudrait pas exclure la fin de la soi-disant corrélation inverse entre le dollar et le prix du pétrole, qui n'a jamais été démontrée dans une conjoncture de crise économique profonde. La chute du prix du pétrole pourrait donc se poursuivre, même dans l'hypothèse où le dollar se maintenait grosso modo au niveau actuel. Le président en exercice de l'Opep, Chakib Khelil, a clairement indiqué que l'offre de brut sera diminuée. Quelle est, selon vous, la marge de manœuvre de l'organisation ? A court terme, la marge de manœuvre de l'Opep résidera dans sa capacité à équilibrer le marché, ce qui, dans ce cas, signifie effectivement une baisse de la production des pays membres. Tout le monde s'attend, en effet, à une décision dans ce sens lors de la prochaine réunion extraordinaire prévue à Vienne en fin de semaine. A plus long terme, la marge de manœuvre de l'Opep dépendra de la capacité des pays membres à résister à une érosion considérable de leurs revenus pétroliers résultant de l'effet combiné de la chute des prix, d'une réduction de leurs exportations en hydrocarbures et de la faiblesse éventuelle du dollar. La solidarité des pays membres de l'Opep sera mise à rude épreuve, comme on s'y attend. L'organisation sera interpellée encore une fois sur ce qu'elle a de plus précieux, à savoir une position commune, pour pouvoir peser dans la balance. Votre commentaire ? Il est à craindre, en effet, que la réduction des exportations nécessaire à l'équilibre du marché ne se chiffre à plusieurs millions de barils/jour, compte tenu de l'apport attendu de la production non-Opep qui poursuivra son ascension à moyen terme. Une réduction de la production de l'Opep de cette importance nécessitera sans doute la mise en place d'un système plus efficace de gestion du niveau de production des pays membres, avec la définition de quotas plus rigoureux et l'adoption d'un prix plancher, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'organisation ne peut plus se permettre de prendre des demi-mesures en annonçant tout simplement une réduction globale limitée, à l'image de ce qui a été fait lors de sa dernière réunion ordinaire, ce qui a entraîné une baisse supplémentaire de 30 dollars le baril. Le moment est venu pour les pays membres d'intervenir de façon plus efficace pour tenter de contrecarrer les effets pervers des soi-disant forces du marché libre. L'Opep ne peut plus continuer à faire confiance au marché tout en dénonçant la spéculation. Quel serait, d'après vous, l'impact de cette crise sur l'économie algérienne ? L'impact d'une crise financière internationale mal gérée pourrait être dramatique pour les pays exportateurs de pétrole. Pour ce qui est de l'Algérie qui reste tributaire, comme la majorité des pays de l'Opep, de la manne pétrolière, la bonne gestion apparente de ses réserves de change actuelles ne suffit pas. Encore faut-il continuer à alimenter le fonds de régulation, ce qui est loin d'être assuré dans une conjoncture pétrolière défavorable et avec un secteur hors hydrocarbures toujours déficient.