Recueil de nouvelles ou roman autobiographique écrit en halte séquence ? Peu importe. Grains de folie de Mohamed Houat est conçu comme une attachante balade d'un homme du peuple dans le temps qui passe. Dans cet ouvrage de 240 pages, édité à Dar El Gharb, il y a de la place pour l'amour et la nostalgie, mais c'est aussi le témoignage d'un écrivain qui sait faire fructifier ses pérégrinations pour dire son temps. Autonomes et liées à la fois par une sorte de pacte secret, les quarante-trois nouvelles de Mohamed Houat s'imbriquent (au fil de la lecture) en une seule histoire. Perçues comme un espace d'éclairage multiple susceptible d'aider à comprendre l'univers contemporain de l'auteur, elles sont comme les pièces d'un unique échiquier social. L'ouvrage contient de la vie. Il est acquis à l'espoir dans une histoire de gens humbles qui arrivent à enjamber l'histoire dans ses douleurs, ses incuries et ses faux et vrais espoirs. L'écriture d'une émotion mesurée reste proche du quotidien, de notre quotidien. Elle prend assez souvent l'allure du reportage bien léché, admirablement senti. L'auteur des nouvelles dépeint, avec une qualité rare de reporter, les tares et avatars d'une société qui nous connaît, qu'on connaît bien. Les personnages sont cueillis dans leur proximité immédiate. Mohamed Houat les accompagne ou les fait défiler avec tendresse et désinvolture. Dans sa saga où sa propre silhouette se promène avec aisance, ce sont les hommes et les femmes d'extraction modeste qui font l'événement, ce sont eux qui soulignent leur appartenance avec moult détails. Pris ici et là dans les soubresauts de l'histoire –l'histoire de nos jours – l'auteur a de la sympathie pour ses personnages. Il les restitue (et se restitue) avec leur humour, leur sensibilité et par endroits leur révolte, la révolte de ceux qui n'ont rien à perdre. Foncièrement aligné à l'humanité qui se vit sans se décréter, l'auteur ne se cache pas derrière des exercices de style pour dire ses préférences ni de quel côté penchent son cœur et sa raison. Il n'y a rien qui se cache derrière les apparences. Tout est conté avec fluidité, implication approuvée et un sens élevé du détail qui fait l'intérêt de toute œuvre dédiée aux gens humbles et aux généreux qui ne se vantent jamais de leur générosité. Et cette dimension, Houat la rend si bien. C'est très touchant.