Le Salon international du livre d'Alger est un rai de lumière pour les éditeurs. Il résonne comme une cloche synonyme de rentrée des classes. Nos éditeurs s'activent donc pour sortir un maximum de littérature durant le Sila. Mais le cru 2008 est plutôt mince. On notera pour ce Sila le retour de Chawki Amari avec de bonnes nouvelles, cette fois À trois degrés vers l'Est ; la parution du premier recueil de nouvelles du journaliste Kamel Daoud ; nous plongerons ensuite dans le passé avec Yasmina Khadra qui révèle dans son dernier roman Ce que le jour doit à la nuit, et nous découvrirons avec plaisir l'imagination fertile de la très jeune Lynda Handala. Les éditions Barzakh manifestent un intérêt certain pour la nouvelle. Ils font donc leur rentrée avec deux recueils. Dans le Cri de Tarzan, la Nuit, dans un village oranais, le poète et essayiste Malek Alloula s'interroge sur la manière de dire ce qui n'est plus, ceux qui ne sont plus, ce qui appartient à la mémoire et ne reviendra sans doute jamais. Pour ce faire, il y met des éléments autobiographiques sur sa vie, sa famille et d'autres personnes extirpées de sa mémoire. Cette figure discrète de la littérature algérienne fouille dans sa mémoire et explore les méandres de la langue française, le temps d'un recueil de 144 pages. Un autre Oranais fait son entrée dans le catalogue de Barzakh : Kamel Daoud. Chroniqueur de talent au Quotidien d'Oran dans Raïna Raïkoum, Kamel Daoud, qui a habitué ses lecteurs quotidiens à son humour noir (puisé certainement dans ses lectures), publie son premier recueil de 168 pages intitulé la Préface du Nègre, prix de la Fondation Mohamed-Dib 2008. Fidèle à son style, il plonge son lecteur, en 4 nouvelles, dans un univers cauchemardesque où le désespoir sévit en maître et dans lequel tous les personnages ont de commun : la poursuite d'un rêve perdu. De leur côté, les éditions Chihab marquent leur rentrée avec de la nouvelle désaxée signée Chawki Amari qui, fidèle à son impertinence et son sens de la dérision, publie un recueil intitulé À trois degrés vers l'Est qui peint, encore une fois, l'Algérie dans toute son absurdité. “Le nouvelliste” invente des situations saugrenues et des personnages singuliers : un homme qui demande l'asile politique dans un bar, une jeune fille qui trouve un cœur au bord de la route ou encore, une femme qui donne rendez-vous à quelqu'un dans un champ de sachets noirs. Des situations inattendues et des personnages mous, nonchalants, mais typiquement et authentiquement algériens. Pour Alpha Editions, il y aura du roman en abondance, de la nouvelle et même de la poésie avec les nouveautés de Hamid Grine, Jaoudet Guessouma et Kader Ferchiche. Sans oublier, au chapitre du “roman historique”, la Singerie de Sidi-Fredj, de Assia Saâdoune. Hamid Grine signe à cette occasion son troisième roman chez Alpha, avec le Café de Gide, roman sur le rapport à l'enfance, à la littérature et… à Biskra, ville où l'auteur a passé une partie de sa jeunesse. Le plasticien-journaliste Jaoudet Gassouma sera présent avec son nouveau roman Tseriel. Ils avaient le soleil pour tout regard marquera la contribution de Kader Ferchiche à ce Sila. De leur côté, les éditions Dalimen proposent deux romans. Le premier paru il y a quelque temps déjà : Les voix du Hoggar de la jeune Lynda Handala qui convie son lecteur à un voyage “épique” dans le temps et dans l'espace à travers les aventures extraordinaires d'une jeune fille et de son frère jumeau qui explorent les vieilles légendes du Sud algérien. Le deuxième, Lettre à l'invisible est un roman de Josiane Lahlou. L'écrit, autobiographique, relate une histoire d'amour… possible, mais néanmoins périlleuse entre une Française et un Marocain. Scénario classique et champ d'inspiration apparemment inépuisable que la situation du Maghrébin et de l'Européenne qui s'aiment envers et contre tous, mais qui se choquent aux traditions et coutumes “ancestrales” de l'Orient. Les éditions Sédia (filiale du groupe Hachette) publient, en cession de droits, deux auteurs “grand luxe” : Nina Bouraoui et Yasmina Khadra. Leurs derniers romans, sortis durant l'été, se retrouveront ainsi quelques semaines plus tard à Alger. Star attendue du Sila, Yasmina Khadra, de son vrai nom Mohamed Mohlessoul, devrait y signer Ce que le jour doit à la nuit, roman qui convoque l'Algérie pauvre des années 1930, un roman d'amour au temps du colon. Nina Bouraoui continue, elle, sa quête à la première personne du singulier avec Appelez-moi par mon prénom, récit vertigineux, mais peut-être vain. Deux romans qui ont connu un succès critique et public certain en France. Yasmina Khadra s'est, en revanche, ému publiquement de figurer sur les listes de sélection des prix de l'automne. Ce qui promet un séance de signature colorée… Media Plus, qui anime également une librairie très connue de Constantine sort, également en achat de droits, les Matins de Djenine de l'écrivaine palestinienne, Susan Abulhawa, récompensée par le Best Book Award. Quant aux Oranais de Dar El-Gharb, maison sortie victorieuse du prix des Libraires 2007, avec Hôtel Saint-Georges de Rachid Boujedra, devrait mettre en tête d'affiche Grains de folie de Mohamed Houat, un récit entre nouvelles et roman, un témoignage sur la vie, mais surtout sur le temps qui passe. À cette rentrée romanesque plutôt mitigée, marquée par l'absence de grands acteurs comme l'Anep, s'ajoute la défection d'un certain nombre d'éditeurs pourtant très actifs les années précédentes. Apic, Inas — dont le stand a été fermé brutalement l'année dernière —, par exemple, ont décidé de faire l'impasse sur cette édition. Une édition, et une rentrée très automnale, décidément, avec ses belles couleurs, mais avec des feuilles mortes qui se ramassent à la pelle. Rachid A. et Sara K. (*) Retrouvez notre sélection des meilleurs romans en arabe dans notre édition de jeudi.