L'Europe est en état d'alerte face à la menace des attentats terroristes émanant de la branche d'Al Qaïda au Maghreb. « Le danger Al Qaïda va croissant en Afrique du Nord », tel est le constat fait jeudi dernier par les spécialistes occidentaux du renseignement. Réunis à Berlin lors d'un symposium international, ces spécialistes disent craindre une contamination en Europe du fait de la présence d'une forte communauté maghrébine. « En Europe, on risque d'avoir affaire à des terroristes issus de l'immigration du Maghreb », affirme Ernest Uhrlau, chef du renseignement allemand, en justifiant de l'existence en Europe d'un « cercle important de sympathisants issus de l'immigration maghrébine susceptibles de s'engager, notamment, aux côtés d'organisations comme Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) ». La proximité géographique avec le Maghreb, cible ces dernières années d'attentats terroristes, amplifie la peur des pays de l'Europe de se voir à leur tour figurer dans le programme des attaques de l'AQMI. Ce dernier, qui est la nouvelle dénomination du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), ne cesse d'opérer des manifestations de violence dans les région du Maghreb et du Sahel, dont certaines ont directement ciblé des Européens. « L'AQMI non seulement se trouve géographiquement proche de l'Europe, mais constitue le groupe le plus dynamique de la nébuleuse Al Qaïda à l'heure actuelle », indique le même responsable allemand qui estime que cette organisation est d'essence « transnationale en Afrique du Nord avec ses propres capacités d'entraînement. Son infrastructure s'étend du Sahel à une partie de l'Afrique de l'Ouest et en Europe ». Ernest Uhrlau considère encore que le danger pour l'Europe « résulte non seulement de ses activités terroristes et de son engagement géographique à une plus grande échelle, mais aussi du fait que ce groupe est particulièrement attrayant pour les volontaires du "jihad" ». Le coordinateur de l'Union européenne pour la lutte antiterroriste, Gilles de Kerchove, tire à son tour la sonnette d'alarme et qualifie carrément l'Afrique du Nord de « cocktail explosif » en raison « de la résurgence de la violence en Algérie et d'une évolution de la guérilla rurale vers des opérations terroristes, visant des intérêts occidentaux et impliquant des attentats suicide ». Et d'affirmer aussi qu'Al Qaïda vise à « tisser des liens avec la diaspora maghrébine vivant en Europe ». Le chef du renseignement allemand dit craindre, pour sa part, les recrutements de terroristes parmi les populations européennes nouvellement converties à l'Islam. « Al Qaïda s'intéresse au recrutement d'Européens de souche convertis à l'Islam », note-t-il en prenant l'exemple d'Eric Breininger, un Allemand de 21 ans recherché par les services de sécurité, car faisant partie d'une cellule de l'Union du jihad islamique impliquée dans une tentative d'attentat en Allemagne en septembre 2007. Pour l'ex-juge antiterroriste, le Français Jean-Louis Bruguière, la menace est à son comble. « La situation en Europe est beaucoup plus sérieuse qu'il n'y paraît et le niveau de la menace, même s'il n'est pas visible, est particulièrement élevé en France. » Il est à craindre, cependant, que la peur du GSPC ne se transforme en peur du Maghrébin en ces temps où l'Occident a toujours du mal à distinguer entre musulmans et intégristes.