L'autoroute Est-Ouest débouche dans la nature tunisienne à la frontière est du pays. Elle le restera tant que de l'autre côté nos voisins n'auront pas achevé leur réseau autoroutier. Et ce n'est par pour demain. En effet, un haut responsable tunisien, en visite récemment à Alger, a déclaré que « ce n'était pas du tout une priorité pour le gouvernement tunisien » et, en aparté, a ajouté : « Compte tenu des financements à mobiliser, il faut prévoir la jonction vers 2020. » Ce qui, par ailleurs, avait été annoncé par les défenseurs du parc d'El Kala, lorsqu'ils s'interrogeaient sur l'empressement obstiné du ministre des travaux publics, Amar Ghoul, et de l'ancien chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, à réaliser le tronçon litigieux de 17,5 km dans le parc en dépit de l'existence d'une option de contournement de cet important sanctuaire de la biodiversité méditerranéenne. L'axe autoroutier tunisien Tunis-Medjez El Bab-frontière algérienne (220 km) qui se décompose en trois tronçons – n'est pas près d'être livré. L'axe Tunis-Oued Zarga de 67 km d'un montant de 186 millions d'euros est en partie réalisé. L'autoroute du Maghreb Arabe L'axe Oued Zarga-frontière algérienne, d'une longueur de 149 km qui passe par Béja, Djendouba et Fernana avant de rejoindre le point de jonction actuel à Beni Mazin, en prenant la précaution d'éviter soigneusement des forêts de chêne-liège et la réserve naturelle de cerf d'El Feïdja, devra lui attendre au moins une décennie. Seul le tronçon Oued Zarga-Bousalem, long de 6 km, est en cours d'étude (pour plus de détails, voir le site www.cetmo.org/f_scepcar.htm). En plus contrairement à ce qu'affirment encore les autorités algériennes, le point de jonction n'est pas définitif, il pourrait être déplacé éventuellement selon les études qui restent à faire en Tunisie. Les déclarations du haut responsable tunisien confirment aussi les informations données en juin dernier par une dépêche de l'agence Reuters qui rendait compte d'une réunion de l'exécutif de l'Union européenne qui a retenu l'AMA, l'autoroute du Maghreb arabe, comme un des projets phares en prévision de la création de l'UMP. Reuters rapporte, en effet, que même si le projet est avancé sur la base nationale, il a peu de chances de servir et d'être rentable dans une libéralisation des échanges, une ouverture du commerce et des services. Elle sera exclusivement réservée aux touristes. Une motivation qui explique que les plus gros efforts entrepris dans ce domaine par nos voisins tunisiens sont effectivement visibles, malgré le million annuel de touristes algériens sur l'axe Tunis-Sousse-Sfax-Djerba. « Il n'y aura pas de poste frontalier dans l'immédiat ici », déclarait à l'intersection de l'autoroute et de la frontière lors de sa dernière visite à El Tarf Amar Ghoul, ministre des travaux publics. « Il faut faire une liaison avec le poste d'El Aïoun. » Une liaison de 16 autres kilomètres toujours dans le Parc national d'El Kala. Une voie d'au moins 20 m de large. Les trois premiers kilomètres passeront directement sur une forêt de chêne-liège avant de rejoindre le CW110 qui mène à El Aïoun en passant par Raml Souk. Ce ne sont plus donc 17 km de grande route dans le parc, mais 33 km, qui seront en violation avec l'article 4 du décret présidentiel qui fixe le statut des parcs nationaux algériens. A El Tarf, on commence à prendre conscience du côté aventureux de l'autoroute. Les études faites et refaites, l'engagement non tenu du ministre de contourner le parc, l'étude d'impact réalisée après le lancement des travaux pour cautionner la violation des textes, l'entêtement des pouvoirs publics face à la légitime demande des défenseurs de la nature font dire à certains cadres du secteur que le plus sage aurait été de stopper les travaux à l'entrée du parc national et de voir venir. Pour les écologistes, il n'est jamais trop tard. On peut encore dans la phase actuelle restaurer aux moindres frais les dommages causés par le tronçon de l'autoroute en laissant simplement la nature recouvrer ses droits. Avec cette nouvelle donne, l'option du contournement du parc, envisagée mais rejetée au motif qu'elle était plus chère et plus longue, devrait être de nouveau examinée. Le point de jonction n'étant pas un obstacle incontournable pour les tunisiens ni prioritaire, l'Etat algérien devrait s'accorder du recul pour concilier les impératifs de la conservation du patrimoine naturel sous sa responsabilité et ceux du développement du réseau routier. En recevant le ministre des travaux publics pour son audition le 21 septembre dernier, le président de la république a recommandé « de garder constamment à l'esprit l'impérieuse nécessité de préserver l'environnement et le patrimoine écologique du pays ». Or, ce dernier se trouve par définition dans les parcs nationaux. Y aurait-il deux discours ?