Yes we did ! » (Nous l'avons fait !) pavoisent des pancartes démocrates à la suite du slogan « Yes we can » (nous pouvons le faire) qui était la devise de la campagne de Barack Obama. Oui, il l'a fait. Obama l'a fait. A 47 ans à peine, le sénateur de l'Illinois est devenu officiellement le 44e président des Etats-Unis d'Amérique et le premier président noir de l'histoire de la première puissance mondiale, confirmant ainsi la prophétie des sondages qui l'avaient unanimement donné vainqueur. Ce qui a amené la plupart des commentateurs et éditorialistes à s'entendre sur une même épithète pour qualifier cette élection : « Historique ! » Un mot qui revient dans la bouche de John McCain himself qui, en bon prince, a salué la victoire de son adversaire avec élégance : « C'est une élection historique. Je reconnais la signification particulière qu'elle a pour les Noirs américains, la fierté qui doit être la leur ce soir », a-t-il dit à l'adresse de ses supporters. « YES HE DID » C'est, en effet, un moment historique que le verdict de cette longue nuit électorale. Dire que jusqu'à la dernière minute, d'aucuns doutaient des chances de Barack Obama de provoquer le déclic dans l'inconscient électoral américain. Les plus pessimistes répétaient à l'envi que l'Américain moyen vote blanc et que la société US n'est pas encore prête à confier son destin à un Noir. « Si jamais quelqu'un doute encore que l'Amérique est un endroit où tout est possible, la réponse lui est donnée ce soir », rétorque Barack Obama dans son premier discours de président devant une foule en liesse, ravivant ainsi la flamme du « rêve américain ». Il faut croire que le maître mot, ce mardi 4 novembre, aura été « le changement ». « Il a fallu longtemps. Mais ce soir, grâce à ce que nous avons accompli aujourd'hui et pendant cette élection, en ce moment historique, le changement est arrivé en Amérique », ajoute le désormais successeur de George W. Bush. « Yes he did », donc. Oui, il l'a fait. Et avec l'art et la manière, battant son malheureux rival à plate couture avec un score sans appel de 338 voix contre 156. Sans doute la signification de cette élection est-elle aussi à chercher dans l'écart fulgurant qui sépare les suffrages récoltés par les deux candidats. Les dernières joutes entre républicains et démocrates ont été particulièrement serrées et l'on se souvient à ce propos des manches âprement disputées entre George Bush et Al Gore en 2000 et Bush et John Kerry en 2004. Le tsunami Obama aura balayé sans ménagement tous les doutes et s'adjuge le bureau ovale de la Maison-Blanche avec une marge plus que confortable, avec à la clé un taux de participation record. Autant d'indices qui en disent long sur la popularité du sémillant avocat de Chicago mais aussi sur les « dégâts » des deux mandats de Bush. L'une des grandes leçons de ce raz-de-marée électoral réside probablement dans le formidable sursaut populaire d'une Amérique qu'on présente souvent comme la plus grande démocratie au monde en se demandant si cette réputation n'était pas un peu surfaite. Eh bien, force est d'admettre que c'est un lieu commun fondé. Le peuple américain vient de démontrer de façon magistrale son profond attachement aux valeurs et à l'esprit démocratiques. Ainsi, la même société américaine qui avait cautionné l'invasion de l'Irak, qui avait reconduit Bush en dépit d'un premier mandat désastreux, vient de confier son destin à un jeune gentleman et, surtout, à un Noir. Elle insuffle ainsi, par son choix audacieux, un vent d'insolence et de liberté aux quatre coins de la planète. En témoignent les scènes d'euphorie observées un peu partout, y compris ici à Alger, comme si cette victoire d'Obama était celle de tous les laissés-pour-compte de la terre. Incontestablement, en ce 4 novembre 2008 effectivement historique, l'Amérique recouvre son statut de « big democracy » et la société américaine s'impose comme celle de tous les possibles. Cela ne nous laisse évidemment pas dupes des dérives de l'Amérique dans son versant « impérialiste » et son incapacité à jouer son rôle de puissance structurante des relations internationales dans le sillage justement de ces mêmes valeurs démocratiques qui l'animent. On peut aussi épiloguer sur les limites de la démocratie américaine, sur le rôle sournois des lobbies, du complexe militaro-industriel, des multinationales et autres puissances de l'argent et la collusion des milieux politiques et des milieux d'affaires… Cela ne diminue en rien la portée de ce qui vient de se produire en ce 4 novembre aux States et qui a valeur, dans l'esprit de beaucoup, d'un second 4 juillet. « Un Noir a désormais atteint le sommet du pouvoir des Etats-Unis seulement deux générations après la fin des lois sur la ségrégation », relève le Wall Street Journal, avant d'ajouter : « C'est quelque chose qui n'est jamais arrivé dans un autre pays occidental en dépit du dédain européen au sujet de l'Amérique 'raciste'. » Martin Luther King peut enfin reposer en paix, lui qui proclamait « I have a dream » (j'ai fait un rêve). Son rêve est enfin incarné…