Au terme d'un marathon électoral parsemé d'incertitudes, l'Amérique a choisi d'élire le candidat démocrate Barack Obama à la présidence. Du coup, ce sont des atavismes solidement ancrés qui volent en éclats. Jusqu'au dernier moment, la crainte insidieuse était de voir les vieux réflexes raciaux faire obstacle à l'émergence du premier élu, à un si haut niveau de responsabilité, d'un homme de couleur. L'Amérique a donné, avec cette élection présidentielle, une leçon magistrale. C'est un message d'une rare force à tous ceux qui, dans le monde, nourrissaient des préjugés qui pouvaient être fondés sur la capacité des Américains à opérer un tel soubresaut politique et moral. En se rassemblant donc autour de Barack Obama, les électeurs américains n'ont pas seulement sanctionné la gestion calamiteuse du pays par George W. Bush, ils ont investi le candidat démocrate de la mission très lourde de conduire le changement radical qu'ils jugent maintenant inéluctable pour réconcilier les Etats-Unis tant avec eux-mêmes qu'avec le reste du monde. Barack Obama devra se montrer à la hauteur d'une telle confiance et utiliser l'état de grâce dont il bénéficie déjà pour réhabiliter l'image de l'Amérique. Parce qu'il n'est pas l'élu d'une coterie, d'un clan ou d'une communauté, mais le président dont les Américains mais aussi le reste du monde attendent qu'il sorte le pays de l'impasse tragique dans laquelle l'a précipité George W. Bush. Pour autant, le 44e président des Etats-Unis ne dispose pas d'une baguette magique ou de pouvoirs messianiques. Il ne pourra réussir dans l'immense tâche qui l'attend que s'il parvient à être un homme de paix qui verra dans ses interlocuteurs dirigeants des autres pays du monde des partenaires et non pas des ennemis ou des marionnettes téléguidées. Les Américains ne supportent plus d'être un peuple en état de guerre permanente et exposés de ce fait même au ressentiment universel : chaque pays a le devoir d'assurer sa sécurité, mais est-ce au prix de la liberté des autres ? A la Maison-Blanche, Barack Obama aura quatre ans pour extirper les Etats-Unis des bourbiers irakien et afghan et pour éviter une conflagration avec l'Iran chargée de périls. Il lui faudra être un président de dialogue et de consensus qui se souciera d'épargner d'abord aux Américains de sombrer dans les affres de l'exclusion et de la pauvreté en initiant de plus grandes mesures de protection sociale. Barack Obama devient le Président d'un pays où des millions d'individus ne peuvent pas payer leurs soins, ne mangent pas à leur faim, n'ont plus de toit et ont perdu leur travail, alors que les dépenses de guerre sont colossales. Le Président élu aura ainsi d'innombrables équilibres à rétablir. Il ne devra pas décevoir l'écrasante majorité d'Américains qui ont vu en lui l'incarnation d'un espoir formidable d'en finir enfin avec les errements des années Bush. L'Amérique du président Barack Obama aura à cœur de reconquérir le capital de sympathie et d'admiration que lui valent ses écrivains, ses cinéastes, ses sportifs, ses savants et certains de ses hommes politiques qui ont porté haut des valeurs humaines. Barack Obama devra être le Président de cette Amérique qui rassure le monde.