La note de conjoncture sur l'état de l'économie nationale, présentée hier par le Conseil national économique et social (CNES), ressemble, à s'y méprendre, aux déclarations de politique générale faites par le chef du gouvernement devant le Parlement. On est loin des critiques acerbes et des constats sans complaisance faits par le CNES de Mohamed Salah Mentouri qui faisaient sortir le chef de l'Exécutif de ses gonds. Cette structure de consultation, qui dépend directement de la présidence, a été manifestement retournée comme un gant au regard du bilan aussi aseptisé qu'édulcoré et par endroits maquillé des politiques publiques dressé hier. « Le niveau considérable de capitaux investis depuis le début de la décennie témoigne de la détermination politique à imprimer à la société et à l'économie un saut qualitatif. » Cette phrase qui ouvre le document sur l'état de l'économie 2005-2007 annonce la couleur de la nouvelle « orientation » analytique de l'institution de Mohamed Seghir Babes. Le reste n'est qu'un fouillis de chiffres déjà connus du grand public saupoudrés de formules ampoulées sur des « résultats probants ». « Désendettement massif de l'économie nationale, stabilité macro-économique, restructurations économiques, avancées sociales et évolutions significatives des conditions de vie des ménages », sont autant de constats surréalistes pour le commun des Algériens contenus dans le rapport du Cnes. Et pour boucler la boucle de cet optimisme béat, l'institution consultative se félicite d'un des « résultats les plus probants » qu'est, lit-on, « la lutte contre le chômage qui connaît une évolution régulière à la baisse, passant de 29,5% en 2000 à 11,8% en 2007 ». Il faut souligner, soit dit en passant, que le CNES n'a produit aucune statistique propre à lui qui aurait pu contredire celle des pouvoirs publics et par là même mettre en exergue son autonomie. Pis encore, et comme pour tous les bilans lénifiants des institutions de la République, l'histoire économique et sociale de l'Algérie commence – pour le CNESégalement – à partir de 1999, au maximum en 2000, soit depuis l'accession de Bouteflika au pouvoir… Ceux qui attendaient un sursaut d'orgueil et un courage politique de cette institution sont restés hier sur leur faim. Le CNES version Babes n'a visiblement pas les moyens de sa politique et vice-versa. Finies les grands-messes du Palais des nations qui suscitaient jadis la curiosité du landerneau politique et médiatique algérois qui s'impatientait d'entendre les verdicts sans appel du Cnes. Hier, à la résidence d'Etat, El Mithak, il n'y avait pas grand monde. Le chef du gouvernement a préféré zapper l'événement au même titre que la majorité de ses ministres. Le patron de l'UGTA, Madjid Sidi Saïd, a lui aussi quitté les lieux juste après la cérémonie d'ouverture. Pour cause, la teneur des travaux sonnait le déjà entendu. Hamiani donne le la La session du CNESest, fait nouveau, expédiée en une journée voire une matinée. Ceci pour le décor. Dans le fond, cette sortie médiatique du CNES a surtout valu par les remarques faites par certains acteurs économiques durant le débat. Ces derniers ont eu ce mérite de dégonfler le discours ronflant empaqueté dans le rapport de conjoncture. Premier à intervenir, Réda Hamiani tempère les ardeurs en assénant qu'« il ne faut pas pavoiser avec une croissance de 5%... ce n'est pas glorieux ! » Et d'ajouter : « Avec tout l'argent mis sur la table, on aurait pu faire très largement mieux. » Pour l'ex-ministre de la PME, cette croissance « ne nous convient pas du fait qu'elle soit portée sur la dépense publique ». Il reproche également au CNES de se contredire dans ses chiffres et d'avoir négligé la part de l'informel. M. Hamiani soulignera aussi le recours effréné à l'importation qui avoisine les 35 milliards de dollars. Il en veut d'autant plus qu'avec les transferts des dividendes évalués à 10 milliards de dollars, l'Algérie perd près de 50 milliards de dollars par an. En contrepartie, l'économie nationale n'a capté qu'un petit milliard de dollars au titre des fameux IDE, explique encore le patron du FCE. Quid du taux de chômage décliné par le CNES ? « Je me demande ce que vous entendez par emploi en attente », interroge M. Hamiani, comme pour douter un peu du chiffre officiel des 11,2%. Il regrette le fait que les « champions » de l'industrie ne soient pas associés aux grands travaux et aux gros contrats, alors que « l'économie algérienne a tant besoin d'eux ». M. Hamiani lâche cette phrase lourde de sens : « Malheureusement, chez nous, on achète tout, du train, du logement... » Et pour illustrer ce tâtonnement et cette gestion approximative de l'économie, le patron du FCE s'est demandé ce qu'est devenue la stratégie industrielle adoptée en 2007. « Il n y a aucune visibilité », a-t-il souligné. Le responsable de la CACI, Brahim Bendjaber, a enfoncé le clou en évoquant l'ampleur des transferts à l'étranger effectués par des entreprises « qui ont bénéficié de montages financiers nationaux, alors que le privé algérien n'a pas accès au crédit ». Mais, tout compte fait, ce ne sont là que des mots, car les maux, eux, sont multiples et le CNES ne semble pas suffisamment outillé pour fourrer son nez là où il ne faut pas. Le CNES a néamoins ce mérite d'avoir permis à ces empêcheurs de « parler en rond » de s'exprimer sur la question.