Le tout nouveau président des Etats-Unis, Barack Obama, a rencontré, vendredi, la presse, davantage pour une prise de contact ou pour répondre à un besoin, mais sans rien annoncer de particulier. Chicago (Etats-unis). De notre envoyé spécial Ce qui explique la durée (trente minutes) de cette conférence de presse. Ainsi donc, le président élu avec une très large majorité n'a pas attendu sa prise de fonction. La date du 20 janvier a dû lui paraître trop éloignée, mais il faut se conformer aux lois américaines qui prévoient la confirmation du vote de mardi dernier par le collège des grands électeurs, celui-ci devant se réunir le 15 décembre prochain. Mais il l'a fait comme pour montrer qu'il y a véritablement urgence au pluriel. Peut-être aussi pour rassurer les Américains en cette veille de week-end ainsi que les marchés financiers qui ont montré un certain recul. Persuadé qu'il hérite d'un lourd fardeau, Obama a pris la mesure de la pression actuelle, et la première mesure de confiance était de présenter son équipe économique. Et c'est ce qui a accaparé cette rencontre, même si lui a préféré parler de son plan. « Nous nous sommes réveillés ce matin avec les informations sur l'emploi », dira-t-il d'emblée, ajoutant que « nous faisons face à la pire crise économique ». Il a alors expliqué qu'il entend « restaurer la prospérité et la croissance » Et pour y parvenir, « il faut un plan de sauvetage des classes moyennes, revoir les indemnités sur le chômage, un plan fiscal pour restaurer la croissance », surtout que la crise actuelle « s'étend a de multiples secteurs », et qu'il faille, par ailleurs, « réduire nos besoins en pétrole étranger ». Ce sera, a rappelé celui qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain, « un plan à long terme… et ce ne sera pas rapide… mais l'Amérique est un pays fort ». Pour cela, soulignera-t-il encore, « il faut mettre de côté la politique et voir ce qu'il faut faire pour régler cette crise ». Quant aux priorités, elles ont été résumées mercredi par la présidente démocrate de la Chambre des représentants, c'est-à-dire au moment où le nouveau président recevait les félicitations des dirigeants de la planète, tout en cherchant a décrypter leurs messages. Mme Nancy Pelosi a déclaré ce jour-là que le travail sur le plan de la relance n'allait peut-être pas attendre la date du 20 janvier, c'est-à-dire l'investiture d'Obama. Depuis le 26 septembre, date de l'adoption du plan de relance, a-t-elle rappelé, « notre crise économique a empiré, et le besoin de faire plus s'est fait sentir ». Selon elle, un nouveau plan de relance devrait inclure des améliorations de l'assurance chômage, de l'aide alimentaire pour les Américains les plus pauvres et l'assurance santé pour les personnes âgées et les enfants. « Nos priorités ont suivi celles de M. Obama depuis longtemps. Elles sont la croissance économique, l'éducation, la santé des Américains, l'indépendance énergétique et la guerre en Irak. » Quant aux mauvaises nouvelles auxquelles faisait référence M. Obama, il s'agit des statistiques sur l'emploi rendues publiques par le Département du travail. Et franchement, elles constituent à elles seules, une définition de la crise, du moins dans ses grandes lignes. Ainsi, apprenait-on, le taux de chômage aux Etats-Unis a atteint 6,5% en octobre (contre 6,1% en septembre), son plus haut niveau depuis 14 ans. Selon les experts, ce nouveau chiffre est la preuve que l'économie américaine est presque sans aucun doute en récession. Selon les données du département du Travail, 240 000 emplois ont été supprimés en octobre, et l'économie américaine perd ainsi des emplois pour le dixième mois consécutif. Ces chiffres montrent également que le marché du travail se dégrade à un rythme alarmant. Depuis le début de l'année, 1,2 million d'emplois ont été supprimés aux Etats-Unis. Au plan des relations étrangères, une seule question lui a été posée, elle est relative au message de félicitations que lui ont adressé les dirigeants iraniens pour son élection, le premier depuis 1979. Il se contentera de dire que « l'arme nucléaire iranienne est inacceptable ». Il n'a pas voulu s'étendre sur cette question abordée quelques heures avant lui par un ancien du département d'Etat partisan visiblement de la manière forte. Il s'agit de John Bolton qui estime que les Etats-Unis pourraient tenter de modifier le régime politique en Iran, afin de régler le problème nucléaire iranien sans la participation de Moscou. « Oui, nous sommes en mesure de le faire sans la Russie, car nous pouvons lancer des démarches axées sur le changement du régime en Iran. Il se peut que nous utilisions même la force armée pour y parvenir », a-t-il affirmé. Ou encore des Israéliens. En effet, le ministre israélien de la Défense, Ehud Barak, presse le nouveau Président de ne pas abandonner l'option militaire face à l'Iran, et lui même affirme que « ce que nous pensons nous l'avons déjà dit. Nous n'écartons aucune option. Nous recommandons aux autres de ne renoncer à aucune option ». Voilà donc une pression directe sur Obama qui a évoqué la possibilité d'un dialogue sans condition préalable avec l'Iran. Réponse aussi de Tzivi Lipni qui est toujours la ministre israélienne des Affaires étrangères : « Un dialogue à ce stade pourrait être considéré comme une marque de faiblesse. » Ou encore retiendra-t-on les messages que lui ont adressés, à leur manière, ceux qui s'opposent aux troupes américaines en Afghanistan et en Irak. Les uns et les autres lui enjoignent de retirer les soldats US, sinon ils renforceraient leurs attaques ? Un bon signal — c'est plutôt rare — vient de Moscou qui déclarait hier avoir reçu des propositions américaines sur les mesures de confiance en matière d'ABM (les missiles balistiques) et elles sont au stade de l'examen. Même sur ce plan, la critique est américaine. Elle est le fait de John Bolton, qui a estimé que le nouveau Président pourrait suspendre le déploiement du bouclier américain en Europe. « Barack Obama essaie de montrer, sur cette question comme dans beaucoup d'autres domaines, des approches diverses », selon lui. A ce stade, ce ne sont plus des remarques, mais des pressions directes. Seront-elles suffisamment fortes pour orienter la politique étrangère de la nouvelle administration américaine ? Sur ce volet, la nouvelle équipe n'a rien révélé de bien particulier, même si son agenda reprend un par un les thèmes qui font la politique étrangère des Etats-Unis, comme s'il s'agissait d'ores et déjà d'assurer la continuité. Pas de doctrine nouvelle en quelque sorte, laquelle serait effectivement porteuse du changement tant annoncé. Avant d'en connaître le contenu. C'est une autre question, mais elle n'est pas de trop.