Elle fut l'étoile incontestée du 1er Festival panafricain d'Alger. Benaouda Lebdaï qui était guide-interprète se souvient de sa rencontre avec elle. L'Afrique du Sud mais aussi toute l'Afrique sont en deuil cette semaine. Le monde entier connaît Miriam Makeba grâce à sa célèbre chanson Pata Pata, une chanson et une danse qui venait directement des townships de Johannesburg où elle était née. On se rappelle aussi la belle mélodie Malaïka qui a fait le tour du monde. La grande chanteuse sud-africaine s'est effondrée ce 10 novembre dans les coulisses en attendant un rappel du public de Castel Volturno, en Italie. Elle est morte sur scène, emportée par une crise cardiaque et nous la regrettons déjà. Je suis particulièrement ému car je l'avais rencontrée, en cet été 1969, lors du premier Festival panafricain d'Alger où j'étais guide-interprète. Le souvenir est vivace encore : elle promenait sa fille bébé dans les jardins ombragés de l'hôtel El Djazaïr, ex-Saint-George. Impressionné par sa présence, je l'ai quand même abordée et j'ai pu échanger quelques mots avec elle. Je me rappelle qu'elle m'avait dit combien elle était heureuse et fière d'être en Algérie, pays qui s'est libéré du colonialisme. Ce grand sourire et ces yeux immenses exerçaient une sereine fascination sur ceux qui l'approchaient. J'étais frappé par la gentillesse et l'humilité de cette dame qui ne se voyait pas comme star, mais avant tout comme une militante anti-apartheid, porteuse de la culture noire sud-africaine. Le soir même, elle chantait à la salle Atlas à Bab El Oued. Elle avait bien sûr interprété Pata Pata mais aussi une chanson en algérien, Ana hourra fi El Djazaïr, (je suis libre en Algérie) des mots qui signifiaient tant pour celle qui venait de Soweto. Elle était superbe dans ses costumes zulu, et ses danses ont fait vibrer les Algérois. Le Président Boumediène qui assistait au concert lui avait remis un passeport algérien. Le symbole était fort en 1969. Exilée d'Afrique du Sud, Miriam Makeba avait obtenu la nationalité guinéenne en 1959 et ensuite plus de dix autres. Miriam Makeba a lutté contre l'apartheid, contre les injustices, contre tous les racismes. Elle a été fidèle à ses idéaux jusqu'au bout, militante encore à 76 ans puisque son concert en Italie venait en soutien à Roberto Saviano, auteur du livre et du film Gomorra, menacé de mort par la Mafia napolitaine. Son engagement n'a jamais failli comme elle l'affirme dans son autobiographie Makeba, my story, publié en 1988 : « Ma vie, ma carrière, chaque titre que je chante et chaque concert sont liés au destin de mon peuple. » Cette vérité n'a jamais été démentie. Née le 4 mars 1934 à Johannesburg, elle a, dès sa prime jeunesse, été attirée par la chanson. A l'âge de 22 ans, elle rejoint les Manhattan Brothers, un groupe qui mélangeait swing et mélodies traditionnelles. Remarquée pour sa voix juste et chaude par l'Américain Lionel Rogosin, il la sollicite pour chanter deux de ses chansons dans un film coécrit avec le romancier sud-africain Lewis Nkosi, Come Back Africa, qui décrit les conditions de vie des sud-africains noirs sous l'apartheid. Ce film a été projeté au Festival de Venise en présence de Miriam Makeba qui avait réussi à faire le voyage d'Afrique du Sud, un exploit à l'époque pour une sud-africaine noire. La réaction du régime de Prétoria fut immédiate. On lui a interdit de revenir dans son pays. Myriam Makeba n'a jamais cessé alors de dire au monde que l'Afrique du Sud était une vaste prison pour le peuple noir. Un exil et une errance qui ont duré plus de trente ans. Miriam Makeba n'est retournée dans son pays qu'en 1991 après la libération de Nelson Mandela qui lui demanda de rentrer au pays. En 1992, elle a accepté de jouer dans Sarafina avec Whoopie Goldberg, un film qui raconte les évènements de Soweto de 1976. Une vie bien remplie au service de son peuple d'Afrique du Sud, une voix chaleureuse, des convictions qu'elle a défendu jusqu'au bout de la nuit. Ce 10 novembre, Nelson Mandela a déclaré dans un communiqué : « Elle était la première dame sud-africaine de la chanson et elle mérite le titre de Mama Africa. Elle était la mère de notre combat et de notre jeune nation ». En effet, Myriam Makeba était panafricaine dans l'âme, la meilleure ambassadrice de tout un continent, dans tout ce que l'Afrique a de meilleur. La célébrité et la gloire ne l'ont jamais changée, une véritable artiste engagée, dans le sens sartrien du terme. Nous regretterons sa présence lors de la célébration de l'anniversaire du Festival panafricain en juillet 2009 qui lui sera dédié, je l'espère de tout coeur.