La Constitution algérienne a subi la violation annoncée. La voie est ouverte à la présidence à vie en Algérie. Vingt années de pluralisme formel et plus d'une décennie de violence politique n'ont pu mettre le pays à l'abri d'une si terrible régression. Désormais, le contenu des institutions s'adapte aux hommes et non l'inverse. Si la limitation du nombre de mandats présidentiels ne garantit pas l'alternance démocratique, sa non-limitation est la voie garantie vers la dictature. Comment un tel forfait a-t-il été possible ? Les Algériens ont choisi de laisser faire. Ils se sont, dans leur écrasante majorité, détournés des combines, petites et grandes, du régime autoritaire qui les humilie. La défense civique de l'Algérie méritait plus d'engagement et de résistance de ses élites intellectuelles, politiques et de sa presse dite indépendante. C'est sur les âmes de dizaines de milliers de morts depuis 1988, cendres d'une vie politique algérienne éteinte, que se sont levés 500 bras, le 12 novembre au Palais des nations. Les amendements constitutionnels, la possibilité d'un troisième mandat partagent l'illégitimité du Parlement, décriée au sein même du camp présidentiel. La présidence à vie est instituée par la corruption du premier collège, celui des « élus » du pouvoir et non par la conviction du peuple. Ce retentissant échec n'est pas sans conséquence pour le régime. Sans référendum populaire – promis à un boycott historique – toutes les remises en cause souhaitées du texte constitutionnel ont été reportées à plus tard. La question de la succession mécanique du président de la République n'a pas été réglée. La prolongation du mandat d'un président de la République de 71 ans, diminué physiquement, et d'une gestion gouvernementale productrice de désespoir national, de kamikazes et de harraga, résument l'avenir. L'Algérie congestionnée sous une gouvernance ni légitime ni efficace, entre en crise politique majeure. La « stabilité » recherchée est un acharnement générationnel qui fait fi de demain et d'hier. L'interdiction formelle de l'alternance est le dernier acte de retour à la configuration autocratique d'avant Octobre 1988 et des ères prépolitiques dans le monde. Elle ne laisse de recours qu'à la violence populaire. Elle réhabilite l'alternance millénariste, islamiste par essence en Algérie. Nous, initiateurs de l'appel au respect de la Constitution (ICRC) et de ses principes démocratiques, avons pu prendre, durant de longs mois de discussion avec des acteurs politiques nationaux, la mesure de la misère morale dans laquelle le pays a été plongé. Notre interpellation des consciences, portée par plusieurs centaines de signataires au sein des franges les plus impliquées dans la reconstruction de l'Algérie, n'a pas réveillé le système sur sa déchéance. Tout changement étant interdit, le progrès démocratique et social passera en Algérie par de nouveaux affrontements et de nouveaux chaos. Notre conviction demeure qu'il peut être obtenu par la libération de la vie politique, la levée d'écrou sur les aspirations des Algériens à la liberté et à la dignité. Pour l'ICRC : Ihsane El Kadi, Fodil Boumala, Baya Gacemi, Abed Charef, Nasreddine Lezzar, Yassine Temlali, Hakim Addad.