George W. Bush et Tony Blair viennent d'être épinglés pour les rôles qu'ils ont joués dans la décision de déclenchement de la guerre contre l'Irak et sont indirectement accusés d'avoir manipulé les services de renseignements respectifs de leur pays pour arriver à leurs fins, à savoir l'agression contre ce pays. Les polémiques rebondissent de plus belle, notamment aux Etats-Unis à la veille de la tenue de la convention démocrate à la fin du mois à Boston et surtout celle des républicains, beaucoup plus attendue par les antiguerre et qui aura lieu à la fin août au Madison Square Garden de New York. Tandis qu'en Grande-Bretagne des législatives partielles pourraient servir de véritable test pour le Premier ministre Tony Blair dont la popularité est quelque peu mise à mal depuis plusieurs semaines à tel point que certains tabloids anglais ont révélé qu'il aurait songé à partir au début du mois de juin. La publication vendredi dernier d'un rapport du Sénat américain accable davantage l'Administration Bush qui aurait, selon les premiers éléments rendus publics, délibérément exagéré les informations quant au danger de l'utilisation des armes de destruction massive par Saddam Hussein. Cela ne fait donc que confirmer ce que d'autres enquêtes, menées depuis les attentats du 11 septembre, ont révélé, à savoir la faiblesse du renseignement servi comme argument par G.W. Bush pour justifier la guerre contre l'Irak. Mais le second volet du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur justement l'utilisation par l'Adminstration Bush des informations transmises par la CIA ne sera probablement pas connu avant l'élection présidentielle américaine du 2 novembre prochain, et ce, malgré l'insistance des démocrates. Tandis que le rapport de la commission d'enquête indépendante demandé par Bush lui-même ne sera rendu public qu'après novembre. Mais d'ores et déjà, avant même la publication du second volet du rapport de la commission sénatoriale, la presse américaine à l'instar du New York Times remarque à juste titre qu'« il n'y a pas eu besoin de faire pression sur les experts pour qu'ils changent leurs conclusions puisque celles-ci étaient rédigées avant même qu'ils n'entament leur enquête ». En clair, l'accusation est à peine voilée à l'endroit du chef de la Maison-Blanche, confortée par des avis d'analystes de la vie politique américaine qui considèrent par exemple que lorsque le président des Etats-Unis prend une décision aussi importante que celle de mener toute la nation américaine à la guerre sur la base d'informations inexactes et fausses, c'est qu'il y a problème au niveau des capacités de leader du président lui-même. Et qu'au-delà de la défaillance ou non des services de renseignements sur laquelle s'est appesantie l'enquête du Sénat, c'est avant tout la responsabilité du chef de l'Exécutif américain qui est mise en doute. Pour certains, il s'agirait là ni plus moins que d'un désastre national, et les aveux à demi-mot de G.W Bush, reconnaissant qu'il y a eu quelque part des erreurs, ne suffisent pas à en réduire l'ampleur, puisque il essaie de rattraper son jugement erroné quant à l'existence d'ADM en Irak, par l'intention supposée de Saddam Hussein de vouloir posséder de tels arsenaux et surtout à vouloir les utiliser contre des objectifs occidentaux. C'est pratiquement le même son de cloche en Grande-Bretagne où une commission d'enquête présidée par un haut fonctionnaire, Lord Butler, doit rendre son rapport demain, mais avant la publication des premiers résultats, le Premier ministre Tony Blair est déjà sur la sellette. Sa responsabilité est nettement mise en cause et une ancienne chef de la coordination des services de renseignements britanniques l'accable davantage en suggérant qu'il prêtait le flanc à l'accusation d'incompétence. L'ancienne chef de la coordination des services britanniques suggère également la démission du responsable de renseignement qui a été l'origine du rapport du gouvernement présenté le 24 septembre 2002, dans lequel il était mentionné que Saddam Hussein disposait d'armes de destruction massive et pouvait les déployer en 45 minutes et les utiliser contre des objectifs aussi éloignés que les bases britanniques à Chypre. La presse, là aussi, met en cause la responsabilité de Blair dans l'utilisation des fameuses 45 minutes pour justifier une guerre préventive contre l'Irak, et ce même si, depuis quelques mois, le Premier ministre britannique a sensiblement modifié son discours. En effet, la semaine dernière, il a déclaré pour la première fois devant une commission de la Chambre des communes, qu'il « devait accepter que des ADM ne seront peut-être jamais trouvées en Irak ». Dans un cas comme dans l'autre, il s'avère que les services de renseignements aussi bien britanniques qu'américains n'auraient donc fait, comme le soulignait Robin Cook, ancien secrétaire au Foreign Office, que rechercher des éléments confortant la décision de leurs gouvernements d'aller en guerre contre l'Irak plutôt que de les conseiller objectivement. Reste à savoir si les opinions respectives dans ces deux pays pourraient en tenir compte dans la perspective des échéances électorales qui attendent Tony Blair et surtout G.W Bush en novembre prochain. Par Réda Bekkat