L'affaire dite de l'uranium nigérien prend de plus en plus les allures d'un scandale international. George Tenet, directeur de la CIA, (Central intelligence agency, le renseignement américain), qui avait, quelques jours plus tôt, accepté de porter le «chapeau», dans l'affaire de l'uranium nigérien, est revenu, mercredi, lors de son audition par la commission sénatoriale du renseignement sur ses précédentes déclarations reconnaissant être «personnellement intervenu» pour faire «retirer toute référence» à l'uranium nigérien. Ainsi le patron du renseignement américain tire son épingle du jeu, braquant la lumière sur la Maison-Blanche, accréditant, en revanche, la probabilité d'une manipulation politique des informations sur les armes de destruction massive, informations qui se sont avérées par la suite être fausses et sans fondements. Mais qui, se demande-t-on, à la Maison-Blanche s'est hasardé à jouer au marionnettiste? Cela, d'autant plus que les confidences publiques d'un diplomate américain allaient enclencher la polémique autour des ADM et contraindre la Maison-Blanche à reconnaître, officiellement, que la mention de l'uranium nigérien n'aurait «jamais dû figurer» dans le discours de M. Bush sur l'état de l'Union (le 28 janvier 2003). Donc, le revirement de M.Tenet de ne pas «couvrir» le président, affirmant «ignorer» que le président «allait se servir» des renseignements, selon lesquels l'Irak avait tenté d'acheter de l'uranium nigérien-, outre la surprise occasionnée parmi les membres de la commission sénatoriale, donne de plus en plus à l'affaire les proportions d'un scandale international. Ainsi, deux Etats, parmi les plus puissants de la planète, n'ont pas hésité à user de tous les expédients, y compris de faux et de documents falsifiés, pour entraîner le monde dans la guerre contre l'Irak. De fait, au fur et à mesure que de nouvelles informations sont révélées, le monde s'aperçoit du peu de considération qu'ont eu pour la communauté internationale, MM.Bush et Blair, dans leur campagne à rallier d'autres pays à leur vendetta contre l'Irak, en ne semblant vouloir reculer devant aucune forfaiture. Quelqu'un à la Maison-Blanche a délibérément trompé l'opinion publique internationale. George Tenet a donné son nom à la commission sénatoriale, mais l'un de ses représentants, le démocrate Dick Durbin, après avoir indiqué qu'il ne lui appartenait pas de divulguer ce nom, se dit «confiant que cela va sortir», estimant toutefois que «cela doit venir du président». Il soutient ainsi que «le président devrait être scandalisé d'avoir été trompé et d'avoir trompé le peuple américain. Il doit faire la lumière sur toute cette affaire. Certaines personnes à la Maison-Blanche vont devoir rendre des comptes». Ce qui ne semble pas être le sentiment de George W Bush qui, loin de faire acte de contrition, indique «assumer». Le président Bush qui recevait le Premier ministre britannique, Tony Blair, à Washington, après avoir affirmé que «Nous (Bush et Blair) ne serons pas mis en tort», a déclaré «Saddam Hussein était une menace pour notre sécurité et la sécurité d'autres pays», réitérant: «J'assume la responsabilité pour la décision, la dure décision, de rassembler une coalition pour renverser Saddam Hussein, parce que les informations des services de renseignements (...) établissent de façon convaincante que Saddam Hussein était une menace pour la paix et la sécurité». Aujourd'hui il apparaît aux yeux de l'opinion publique mondiale que ces renseignements «convaincants» étaient en réalité bidons et n'ont été que l'argument qui se voulait massue, qui permit aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne, -passant outre à l'opposition du Conseil de sécurité des Nations unies et de la communauté internationale -, d'attaquer et d'occuper l'Irak. De son côté, Tony Blair, le Premier ministre britannique, faisant fi des derniers éléments intervenus, s'accroche à une version pourtant aujourd'hui largement battue en brèche par les nouvelles révélations, déclarant: «Nous pensons que les renseignements britanniques dont nous disposons sont authentiques. Nous nous y tenons». Face à leurs opinions publiques qui veulent savoir, MM.Bush et Blair se sont lancés dans une fuite en avant qui n'est pas de nature à servir la vérité. En fait, la gageure aujourd'hui, est de redonner au dossier irakien sa dimension réelle et aux Nations unies le rôle de gardien de la paix et de la sécurité dans le monde, rôle usurpé par les Etats-Unis qui, fort de leur qualité de seule puissance mondiale, ont piétiné la communauté internationale, se plaçant au-dessus du droit international et des lois communes applicables à tous les Etats. En réalité, la vraie menace pour la paix et la sécurité dans le monde vient aujourd'hui essentiellement de la proportion de Washington à gérer et à gouverner le monde.