Question pour un champion : combien d'exemplaires du journal El Watan pourriez-vous stocker dans chacune de vos cellules ? Le génome de chaque cellule humaine est réparti en 46 chromosomes, soit l'équivalent de 6 milliards de « lettres » ADN biochimiques (A, C, G et T). Ecrites sur les 32 pages d'El Watan, ces lettres en rempliraient aisément 10 416 exemplaires ! Autrefois, un génome personnalisé se lisait dans les thrillers de la science-fiction. Mais grâce aux percées technologiques en matière de séquençage de l'ADN, l'ère de la « génomique à la carte » ne saurait tarder à devenir routine, comme le souligne trois récentes publications dans la revue Nature. En effet, deux individus, un homme de la tribu Yoruba (Nigeria) et un autre Chinois, ont vu leur ADN en entier décrypté, pour un coût de 500 000 dollars chacun. Cela paraît cher, sauf que l'on doit se souvenir que le premier génome humain déchiffré en version finie en 2004 a ingurgité 300 millions de dollars et mobilisé 2 000 généticiens durant presque quatorze ans ! Auparavant, il y a eu décryptage des génomes du charismatique père de l'ADN, James Watson (juin 2007), du Lucky Luke de la génomique, Craig Venter (septembre 2007), et d'une généticienne néerlandaise, Marjolein Kriek (avril 2008). La ligne de mire est, désormais, un génome à 1 000 dollars. Pourquoi pas ? Les questions bioéthiques afférentes ne doivent être évacuées sans consensus et respect de « l'intimité génétique ». La troisième étude, est celle d'une femme de 50 ans, quoiqu'ayant décédé d'une leucémie myéloïde, dont son génome vient être « lu ». Il en ressort qu'elle portait dix mutations liées à son cancer. Mais l'intérêt de tels séquençages est d'arriver un jour à prédire, et donc prévenir la survenue d'un cancer donné en se basant sur les informations génétiques complètes, y compris l'ADN non-codant, qu'on appelait, à tort, “junk DNA” (ADN-poubelle, ne servant à rien). Justement, des biologistes du Singapour viennent de rapporter dans Genome Research que cet ADN bric-à-brac est l'un des éléments importants distinguant l'homme des autres espèces. Pour rappel, cet ADN constitué principalement de séquences « redondantes », représente 50 % de notre patrimoine génétique. Il s'avère que cinq facteurs-clés de la « lecture » de l'ADN, ayant un rôle pivot dans le cancer et la biologie des cellules souches, se trouvent attachés à ces séquences répétitives dans 38 % des cas. Sur un autre chapitre qui est susceptible de soulever un autre vent de polémique, on vient de comparer trente séquences génomiques de chimpanzés et avec trente d'humains. Résulat : les régions portant des gènes à copie variables sont très similaires pour que cela soit par pur hasard. La différence réside, donc, dans le nombre de copies pour chaque gène. Par exemple, le gène CCL3L1 se trouve en copies moindres chez l'homme par rapport au chimpanzé, rendant compte de la plus grande susceptibilité au VIH du premier comparativement au dernier. Aussi, des gènes impliqués dans l'inflammation et la division cellulaire se sont vu « éclipser » chez le chimpanzé au cours de l'évolution, selon les auteurs anglo-saxons.