Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
L'intégration des pays du Sud comme seule alternative Entretien avec M. Javier Arrùe, membre de la commission de l'Energie et des Mines au Parlement Vénézuelien
Le Maghreb : Vous êtes à Alger pour une mission d'information à propos de l'amendement de la Constitution au Venezuela. En quoi consiste exactement ce nouvel amendement ? M. Javier Arrùe : Ce nouvel amendement ne touche en rien à la structure interne de la Constitution actuelle. Et c'est pour cela que c'est un amendement. Au Venezuela, la révision de la Constitution se fait par trois formes. La première forme passe par une assemblée constituante. Il s'agit d'un changement radical de Constitution et de passer d'une Constitution à une autre. Dans ce genre de cas, c'est toujours le peuple qui a le dernier mot. C'est ce qui s'est passé en 1999, lorsque le peuple a décidé d'approuver la Constitution actuelle du Venezuela. Avant 1999, le Venezuela avait une autre Constitution celle de 1961. En 1999, le Venezuela a adopté une nouvelle Constitution qui appelle à la refondation de la République. La seconde manière de refonder la Constitution passe par la réforme constitutionnelle. Il s'agit plus de changement que d'un simple amendement mais ce n'est pas un changement radical. C'est toujours au peuple de décider du changement. En décembre 2007, nous avons tenté de faire passer une réforme constitutionnelle. Le non l'a emporté, avec une différence très faible (il n'y avait que 1 % de différence). Le jour même, le président Chavez a reconnu que c'est l'opposition qui l'avait emporté et approuvé la victoire du non. A cette époque là, l'opposition s'est rendue responsable d'énormément d'actes de violence pensant que le président Chavez n'allait pas respecter le choix des urnes. Mais Chavez a respecté le choix du peuple et j'estime que c'est une grande preuve de démocratie. Actuellement, l'Assemblée nationale propose un amendement avec le changement de 5 articles de la Constitution. A ce sujet, l'opinion et les médias orientés ont toujours tenté de faire passer cet amendement comme un désir du président Chavez de rester indéfiniment au pouvoir. Alors que ce n'est pas le cas. Il s'agit pour le peuple de choisir de reconduire un élu ou pas. Avec la Constitution actuelle, un bon élu ne peut se représenter plus de deux fois, alors qu'avec l'amendement on pourra permettre au peuple de choisir de reconduire un élu pour un mandat supplémentaire s'il juge le bilan de l'élu en question positif. L'amendement en question concerne 5 articles et concerne, le président, les gouverneurs des régions, les maires, les députés régionaux et les députés nationaux. C'est une façon de récompenser les élus dont les bilans sont positifs. Et le peuple pourra les réélire s'il le souhaite. Comment expliquez-vous la victoire du non en 2007 ? Nous avons fait beaucoup d'erreurs et l'opposition en a profité. Car le nombre d'articles devant être amendé était important. Les médias orientés ont instrumentalisé certains articles et les ont critiqués à leur manière. Il ont dit beaucoup de contrevérités. Je cite en exemple le fait qu'ils aient dit que les enfants pourraient être pris à leurs mères, que l'Etat aurait la mainmise sur tout et qu'il n'y aurait plus de propriété privée. Et comme nous n'avions pas beaucoup de temps, nous avons été dépassés par les événements. Etant donné qu'il y avait 69 articles à amender, les gens n'ont pas tout compris et certaines choses n'étaient pas claires. Ainsi, 13 millions de personnes qui soutiennent le président Chavez ne sont pas allées voter. Elles n'ont pas voté pour, elles n'ont pas voté contre, elles se sont simplement abstenues. Il y a un point important à mettre en relief. Certains s'évertuent à le présenter le président Chavez comme un dictateur, alors que ce n'est pas vrai. En 1999, il a introduit un mécanisme nouveau. Chaque gouverneur est sujet, tous les trois ans, à la révocation. C'est au peuple de décider si l'élu a accompli son devoir, il pourra rester, sinon il devra se retirer de son poste. Un autre argument est mis en avant par l'opposition. Cette dernière affirme qu'à travers cet amendement le président Chavez veut mettre fin à l'alternance au pouvoir. Cela est faux. Il n'y a qu'à voir la période entre 1969 et 1999, s'il y a eu une alternance entre deux camps, il n y avait pas d'alternance dans le programme, c'est toujours l'empire qui régnait et les intérêts impérialistes qui primaient. Ce programme ne faisait que servir les intérêts des grandes multinationales, notamment américaines. Le Venezuela est un pays très riche, notamment pour ce qui est du pétrole. En parallèle, 80% de la population était pauvre et 30% vivaient en dessous du seuil de la pauvreté la plus extrême. Je me demande alors de quelle alternance il s'agit. Le président Chavez a réussi à s'ériger une véritable aura et un large soutien populaire. Il a été élu, puis réélu et il est même sorti vainqueur d'un référendum révocatoire. Serait-ce grâce au programme de réformes sociales qu'il a initié ? On voit bien que l'opposition a usé de tous les moyens possibles et imaginables pour écarter le président Chavez. Elle a essayé un coup d'Etat pétrolier, elle a essayé de destituer le président Chavez, mais le peuple s'est manifesté. En décembre 2002 et janvier 2003, il y a eu un sabotage pétrolier. L'opposition a tenté de détruire l'économie du pays. La production pétrolière du pays qui était de 3,5 millions de barils par jour a été réduite à néant. Cela a déstabilisé le pays. L'opposition a également fermé le gaz, ce qui a obligé de nombreuses familles à brûler leurs meubles afin de cuisiner, un bateau d'essence à même été pris en otage pour menacer le gouvernement. N'oublions pas que l'opposition a tenté par divers moyens d'assassiner le président Chavez et a même tenté de détourner l'avion présidentiel. Cela sans parler des tentatives de déstabilisation en provoquant des pénuries alimentaires. On accuse le président Chavez d'être antidémocratique, alors que c'est l'opposition qui tente par tous les moyens légaux ou illégaux, les moyens aussi antidémocratiques de renverser le président Chavez, de renverser la Révolution bolivarienne et de s'opposer aux espoirs de tout un peuple. Certains observateurs expliquent tant d'acharnement à l'encontre du président Chavez par le fait que c'est une figure emblématique de la nouvelle gauche en Amérique latine. Quel est votre commentaire à ce propos ? Il est vrai que la révolution qui est menée actuellement par le président Chavez est une révolution pacifique, avec un soutien populaire. Le problème n'est pas un d'ordre idéologie. Le problème est que le Venezuela est un pays qui a beaucoup de richesses. C'est le pays qui a les plus grandes réserves de pétrole au monde. Si le Venezuela n'avait pas de pétrole personne ne se soucierait du fait qu'il y ait une révolution bolivarienne ou non. Mais l'empire a besoin de pétrole, il se nourrit de pétrole. C'est ce qui explique tant d'acharnement sur le Venezuela. Il faut dire aussi que le pétrole est aujourd'hui un argument de taille afin d'initier une diplomatie active… Si l'empire a du pétrole c'est pour contrôler. Si l'empire a des armes, c'est pour contrôler. Si l'empire a des richesses, c'est aussi pour contrôler. Le Venezuela dispose de pétrole et veut l'utiliser pour l'intégration des pays. Ce n'est pas parce que nous avons du pétrole que nous allons annexer des pays aux Caraïbes, ou que nous allons privatiser des entreprises hors de chez nous. Si nous avons du pétrole, c'est pour initier une coopération entre tous les pays du monde. L'Orénoque est la région la plus riche en pétrole au monde. Nous avons été pendant de longues années expropriés de cette région, laquelle a été exploitée par les multinationales, à leur tête américaines. Mais, à l'Assemblée nous avons tenté par tous les moyens de la récupérer, et nous sommes aujourd'hui souverains dans cette région. Il est vrai que beaucoup de projets ont été lancés dans cette région en partenariat avec des Espagnols, des Brésiliens, des Russes, des Argentins, des Indiens et même des Vietnamiens, mais nous sommes souverains, car 60% de l'actionnariat dans ces projets sont vénézueliens. Nous voulons aujourd'hui promouvoir une véritable intégration Sud-Sud. Nous voulons mettre un terme au vieux paradigme qui disait : "Plus je suis fort, plus je m'approprie des richesses". C'est ce qu'ont fait les puissances coloniales qui sont allées dans d'autres pays afin de s'accaparer leurs richesses. Le Venezuela veut utiliser ses richesses afin de renforcer l'intégration avec d'autres pays. Je vous donne un exemple de solidarité : le Venezuela vend à des prix avantageux du pétrole à des pays qui n'ont pas les moyens de payer à l'image de certains pays des Caraïbes. Nous savons aussi qu'à Londres, il y a des gens qui ne peuvent pas payer leur facture d'électricité. La révolution bolivarienne n'est pas la lubie d'un président ou d'un peuple éloigné, c'est d'abord une idée de solidarité et d'intégration entre les peuples. Le président Chavez a également eu l'estime dans le monde arabe en prenant une position ferme à l'encontre de l'agression israélienne sur Gaza. Il affiche ainsi un visage renouvelé de la solidarité Sud-Sud, au-delà des considérations de race, de culture ou de religion… Votre appréciation est correcte. La révolution bolivarienne est un socialisme du 21e siècle. Nous luttons pour notre liberté comme nous luttons pour la liberté de tous les peuples opprimés dans le monde. Devant l'holocauste que les Israéliens ont mené à l'encontre des Palestinien de Gaza, ce n'est pas seulement le président Chavez, mais c'est tout le peuple vénézuelien qui s'est élevé pour manifester sa solidarité avec Gaza. La rise financière a démontré les limites du capitalisme. Quelle est, selon vous, l'alternative ? La révolution bolivarienne n'est pas une utopie. La crise financière a démontré que le capitalisme a pour vocation l'accumulation du capital. C'est la soif du gain, du maximum de gains, même si cela doit menacer l'humanité, même si c'est au détriment des peuples. C'est pour cela que nous au Venezuela nous luttons, nous luttons pour mettre fin à cela et nous ne sommes pas fatigués et nous continuons de lutter. Nous ne sommes pas seuls. Nous avons le soutien de beaucoup de pays comme l'Algérie et les pays de l'Opep comme par exemple lors du coup d'Etat pétrolier. C'est important de le souligner. Le Venezuela est un petit pays de par le nombre de ses habitants mais il lutte contre un empire. C'est comme l'histoire de David et Goliath. Si nous sommes intelligents nous pouvons vaincre. Le Venezuela a beaucoup de propositions afin de solutionner le problème de la crise financière internationale. Il y a la Banque du Sud, le marché du Sud et beaucoup d'autres mécanismes d'intégration qui ne concernent pas uniquement l'Amérique latine, mais aussi l'Afrique et l'Asie et cela dans l'objectif de créer un monde multipolaire, un monde où il n'y aurait plus l'hégémonie d'un seul système qui règne avec les armes. Il faut faire face à une mondialisation qui s'acharne contre les faibles et les pauvres. Comment percevez-vous l'élection de Barack Obama ? Bien avant son élection, Barack Obama a fait des déclarations qui n'arrangeaient pas le Venezuela. Il est bien entendu moins brut que Bush et il est aussi intelligent. Mais pourra-t-il arrêter les usines du complexe militaro-industriel américain ? pourra-t-il mettre au chômage les milliers d'Américains qui y travaillent, juste pour la paix ? pourra-t-il forcer les multinationales à respecter la souveraineté des pays ? Pourra-t-il écarter les lobbies industriels, militaires et sionistes, retirer ses flottes d'Irak et d'Afghanistan ? Je ne le pense pas. Il y a une belle expression qui dit que les loups se déguisent en agneaux pour mieux mordre leurs victimes. Moi j'appelle le peuple américain à se réveiller de son rêve qui lui fait croire que le bonheur est dans la consommation. Je leur dis que le bonheur et dans la paix, le partage et la solidarité avec d'autres peuples. Un dernier mot… J'aimerais mettre en avant le rôle des médias. Car s'il y a une voix qui soutient la Révolution bolivarienne il y en aura 1000 autres qui vont nous bombarder non pas d'arguments et d'opinions contraires mais de vils mensonges. Les médias ont une responsabilité, il ne s'agit pas de soutenir Chavez ou la Révolution bolivarienne, mais de faire en sorte qu'il n'y ait plus d'opprimés et d'oppresseurs, d'écrasés et d'écraseurs. Il s'agit de s'asseoir autour d'une table, de s'écouter et débattre, partager ce que nous avons dans la paix et la sérénité.