« Durant toute la nuit de dimanche à lundi, nous avons passé une nuit blanche. Nous avons vécu la peur au ventre jusqu'au petit matin », affirme Cheikh, qui habite une mansarde située dans une rue dont les vieilles habitations sont brinquebalantes du quartier Derb. Dans la foulée de la discussion, d'autres « rescapés » surgissent tels des fantômes qui des maisons à demi détruites qui des réduits encore pendants comme un frêle fumet de café. Au niveau d'un bâtiment de trois étages à 65% détruit, les quatre familles qui occupent les lieux font part de leurs appréhensions. « C'est la troisième fois cette année que nous subissons les affres des intempéries. Toutes les parties habitables menacent à présent de s'écrouler à tout moment », se plaignent des chefs de famille, la mort dans l'âme. En fait de parties habitables, il faut saisir la portée significative de cette plainte. Hachemi nous emmène à l'intérieur des anciens appartements dont les sols et les plafonds sont crevassés. « L'unique pièce que j'utilise avec mes cinq enfants fait office de salle à manger, de chambre à coucher et de salle de séjour », témoigne-t-il, la gorge nouée. Pour accéder à cette pièce de 12 mètres carrés, la famille Hachemi doit obligatoirement utiliser une échelle. Les sept autres familles de cet immeuble de quatre étages ne sont pas mieux loties. Les occupants du troisième et quatrième étage accomplissent des prouesses pour pénétrer chez eux. Nous apprenons ainsi que les jeunes, les hommes et les petits écoliers atteignent leur mansarde en grimpant à l'aide de plusieurs échelles par le biais du couloir dont les pans de soutènement se sont complètement effondrés. Nous avons interrogé un occupant des lieux depuis 37 ans sur le sort des femmes et des personnes âgées. La réponse est tout aussi douloureuse. « Nos filles et épouses, quand elles ne travaillent pas ou ne vont pas à l'université, utilisent la terrasse des voisins attenante à une partie de notre ancienne terrasse détruite à 55%. C'est de cette façon qu'elles intègrent le semblant de logement qui nous reste », affirme d'une voix nouée notre interlocuteur. Dans ce quartier déshérité à l'extrême, plus de 150 habitations menaçant ruine sont officiellement recensées par les services concernés. Les relogements qui se font au compte-goutte n'arrangent pas toujours la situation des riverains victimes de la bureaucratie et des lenteurs administratives.