Depuis des années et dès l'apparition des premières pluies, c'est la hantise des occupants des vieilles bâtisses qui n'en peuvent plus de supporter leur quotidien tant la souffrance est grande. Le quartier Derb ressemble à une cité fantôme compte tenu du nombre impressionnant des bâtiments et autres “haouch” quasiment tombés en ruine. Il ne se passe pas un jour sans que l'on ait à enregistrer des victimes dues en grande partie aux effondrements. $ “A chaque pluie, nous passons des nuits blanches bien arrosées, la peur au ventre jusqu'au petit matin”, affirme Tayeb, qui habite une mansarde dans une vieille habitation brinquebalante de ce quartier. Dans la foulée de la discussion, d'autres “rescapés” surgissent telles des visions, qui des maisons à demi détruites qui des réduits encore pendants. Au niveau d'un bâtiment de trois étages à 65% détruit, les quatre familles qui occupent les lieux font part de leurs appréhensions: “C'est la troisième fois cette année que nous subissons les affres des intempéries. Toutes les parties habitables menacent à présent de s'écrouler à tout moment”, se plaignent-elles. En fait de parties habitables, il faut saisir la portée significative de cette assertion. Hachemi nous guide à l'intérieur des anciens appartements dont les sols et les plafonds sont crevassés. “L'unique pièce que j'utilise avec mes cinq enfants fait office de salle à manger, de chambre à coucher et de salle de séjour”, témoigne-t-il, la gorge nouée. Pour accéder à cette pièce de 12 mètres carrés, sa famille doit obligatoirement emprunter une échelle. Les sept autres familles de cet immeuble de quatre étages ne sont pas mieux loties. Les occupants du troisième et quatrième étages notamment accomplissent des prouesses pour pénétrer chez eux. Nous apprenons ainsi que les jeunes, les hommes et les petits écoliers regagnent leur mansarde en grimpant à l'aide de plusieurs échelles par le biais du couloir dont les pans de soutènement se sont complètement affaissés. Nous avons interrogé un occupant des lieux depuis 37 ans sur le sort des femmes et des personnes âgées. La réponse est cinglante mais tout aussi douloureuse: “Nos filles scolarisées et nos épouses quand elles ne travaillent pas, utilisent la terrasse des voisins attenante à une partie de la nôtre détruite à plus de 60%. C'est de cette façon qu'elles rejoignent le semblant de logement qui nous reste”, affirme-t-il. Dans ce quartier déshérité et convulsif, plus de 150 habitations menaçant ruine sont officiellement recensés par les services concernés. Les relogements qui se font au compte-gouttes, n'arrangent en rien la situation des riverains, victimes de la bureaucratie et des lenteurs administratifs. Plus de 5 400 immeubles menaçant ruine sont actuellement répertoriés au niveau de la wilaya d'Oran. Des opérations de lifting sont menées tambour battant au niveau des quartiers populaires où la demande reste cependant plus forte que l'offre.