Dans cet Irak en flammes où la vie est rythmée par le fracas des bombes, et où les seuls chiffres concernent les morts, il est presque indécent de parler des prochaines élections. C'est le face-à-face avec l'opposition armée qui cible avec une même détermination tous les symboles de l'occupation étrangère et ceux qu'elle considère comme ses alliés locaux. Comme le gouverneur de Baghdad qui a été abattu, hier matin, dans la capitale, où un nouvel attentat au véhicule piégé a coûté la vie à dix personnes, portant à une centaine le nombre de tués dans les violences en Irak, depuis le début de l'année. Le haut responsable, Ali Radi Al Haïdari et l'un de ses gardes ont été abattus par des hommes armés, ont indiqué le ministère de l'Intérieur et l'hôpital Yarmouk de Baghdad. Dans le centre de Baghdad, dix personnes, dont huit policiers, ont été tuées et 56 autres blessées dans un attentat au véhicule piégé contre le quartier général des commandos du ministère de l'Intérieur, proche de la Zone verte, périmètre sécurisé du centre de la capitale. « Dix personnes, dont huit policiers, ont été tuées et 56 autres, des policiers et des civils, ont été blessés », a déclaré une source du ministère de l'Intérieur. Le bâtiment visé se trouve derrière l'un des palais du président déchu, Saddam Hussein, non loin de la Zone verte où se trouvent le siège du gouvernement irakien et les ambassades des Etats-Unis et de Grande-Bretagne. Depuis le début de l'année, les violences ont fait une centaine de morts en Irak. Lundi, au moins 30 personnes ont été tuées dans une vague d'attentats à Baghdad et au nord de la capitale, où trois Britanniques ont été tués dans une explosion. La veille, des attentats et des attaques de rebelles avaient fait plus de 40 tués, dont 18 gardes nationaux. Et samedi, plus d'une douzaine d'Irakiens avaient été tués dans les violences. Le ministre irakien de la Défense, Hazem Chaâlane, a affirmé lundi au Caire que les élections générales, prévues le 30 janvier dans son pays, « pourraient être reportées si les sunnites s'engagent à y participer ». « Nous avons demandé à nos frères arabes, notamment à l'Egypte et aux pays du Golfe, d'intervenir auprès des sunnites en Irak, pour qu'ils participent aux élections, et si une telle participation nécessite un report des élections, celles-ci pourraient être reportées », a-t-il déclaré. Interrogé pour savoir si les Etats-Unis accepteraient un report des élections, M. Chaâlane a affirmé qu'il était « convaincu que Washington sera heureux que l'opération électorale soit globale avec la participation de tous ». « Nous voulons donner une autre chance à nos frères sunnites, même si cela devrait impliquer le report du scrutin », a insisté le ministre irakien. Des raisons jugées peu convaincantes, car la seule motivation est l'insécurité, en supposant que les organisateurs du vote tiennent effectivement à faire participer le plus grand nombre d'Irakiens, pour au moins crédibiliser cette opération. Quant aux Etats-Unis, ils ont réaffirmé s'en tenir à l'échéance prévue. « Nous croyons savoir que la commission électorale indépendante et le gouvernement intérimaire irakien restent d'avis que ces élections doivent se tenir le 30 janvier, et nous restons sur cette base », a déclaré le département d'Etat. Le principal parti sunnite irakien, le Parti islamique, qui s'est retiré de la course électorale, a affirmé qu'il rejetterait la Constitution élaborée par l'Assemblée issue du scrutin. Par ailleurs, un marine américain a été tué hier matin dans la province rebelle d'Al Anbar, à l'ouest de Baghdad, a annoncé l'armée américaine. Al Anbar est la province où sont situées les villes de Falloujah et de Ramadi, foyers de la résistance contre les troupes américaines en Irak. Cette opposition irakienne peut compter sur plus de 200 000 combattants et sympathisants, a estimé lundi un chef du renseignement irakien. « Je crois que le nombre de résistants est supérieur à celui des militaires en Irak. Je crois que la résistance compte plus de 200 000 personnes », a déclaré le directeur du service de renseignements irakien, le général Mohamed Abdallah Chahwani. Ce nombre est supérieur aux estimations de l'armée américaine en Irak, qui essaie de réduire l'opposition depuis le renversement de Saddam Hussein, en avril 2003. Au total, 150 000 soldats américains sont déployés dans le pays. Mais où se trouve la vérité, car celle que l'on connaît, c'est que le pays tout entier brûle, et rien ni personne ne semble en mesure de dresser la moindre perspective. Et ce n'est sûrement pas un vote qui en sera la panacée. Il pourrait même en être le facteur aggravant si une communauté venait à se déclarer lésée par rapport à une autre. Là est l'autre réalité irakienne, inspirant nombre d'analystes et de dirigeants étrangers, comme celui qui a parlé de boîte de Pandore. Il savait en tout cas de quoi il parlait.