Les groupes armés ont déployé une hargne sans pareille dans la violence et qui en dit long sur la nouvelle escalade terroriste que le pays vit aujourd'hui. A Tiaret, Aïn Defla, Tizi Ouzou, Médéa et Relizane, ils ont frappé fort et ont fait naître une vague d'inquiétude parmi les populations. Qu'a ce début d'année 2002 de si particulier pour que les groupes armés s'acharnent de la sorte sur les populations civiles? A première vue rien, hormis les législatives qui pointent à l'horizon. Mais, là aussi, il serait simpliste d'affirmer que ce sont les élections qui rallument la furie des groupes armés ou l'alimentent. Qu'on en juge: près de soixante-dix personnes tuées depuis le début janvier, dont quarante entre les nuits de samedi et mardi. Les chiffres, en eux-mêmes, sont inquiétants. Mais il y a pire: cette flambée de violence a touché aussi bien l'Est, l'Ouest que le Centre du pays. A Médéa, Tizi Ouzou, Tiaret, Sidi Bel Abbes, Tébessa et Djelfa, la mort a frappé. De différentes manières: attentats à la bombe, embuscade, faux barrage, à l'arme automatique et à l'arme blanche. Pratiquement, tous les groupes ont réactivé leur machine de la mort, le Gspc, les GIA (fractionnés en essaims disparates), les groupes de l'Ouest, qui ont fait une nouvelle allégeance à Hattab ou qui sont restés sous l'égide des houmat ed-daâwa es-salafia (ex-El-Ahoual). C'est comme si toute cette nébuleuse hétéroclite et composite avait obéi à un seul ordre donné en sourdine. Autre fait à saisir au vol: l'audace prise par les groupes armés, qui frappent désormais à partir du crépuscule, c'est-à-dire dès dix-neuf heures et investissent même la proche, périphérie des villes. Le faux barrage de Médéa (12 morts et 9 blessés) a été dressé à 19h 20. Dans cette furie dévastatrice, les militaires, les GLD et les policiers ont été particulièrement ciblés. Pour un seul GLD à Sidi Lakhdar, près de Aïn Defla, avant-hier, les groupes armés n'ont pas hésité à utiliser des grenades, à venir en nombre important pour le tuer lui et toute sa famille, composée d'une douzaine de personnes. Nous assistons aussi - il faut le souligner - à un retour aux attentats à l'explosif dissimulé dans des lieux publics: arrêts de bus, marchés, etc. Au moins une vingtaine de bombes ont explosé depuis celle de Tafourah, en fin d'année 2001. Bien sûr, la riposte des services de sécurité est aussi très importante. En une semaine, au moins une cinquantaine de terroristes ont été tués ou arrêtés à travers la région kabyle, les Hauts-Plateaux naïlis et l'Oranie. Cette flambée de violence, pour inquiétante qu'elle soit, est destinée à répandre des messages clairs, car c'est toute la nébuleuse qui a agi de concert. Les messages à décrypter restent encore à saisir et sont, d'abord et principalement, politiques, et ne concernent pas essentiellement les échéances électorales. Faire infléchir le pouvoir, emmener le président à faire preuve de souplesse envers les leaders politiques du parti dissous (dix ans après sa dissolution), raminer «la flamme du djihad» en Algérie, profiter de la crise kabyle pour raviver d'autres foyers de tension, etc. sont autant de messages qui peuvent être appréhendés, mais non les seuls. Le jeu du terrorisme reste à ce point diffus et trouble pour tenter d'en décrypter les codes. Illisibles, car invisibles, ses messages violents s'appuient sur le chiffres. Des morts.