La pression est à son paroxysme sur les marchés de l'énergie, à quelques heures seulement du sommet extraordinaire, très attendu, de l'Opep, prévu à Oran le 17 décembre prochain. La Russie a pris déjà les choses très au sérieux en dépêchant à Oran une importante délégation composée de son vice-Premier ministre, Igor Setchine, et de son ministre de l'Energie, Sergueï Chmatko, chargés d'appuyer les décisions de réduire la production et de faire des propositions de collaboration avec l'Opep. Le président russe, Dmitri Medvedev, a annoncé jeudi dernier que, pour « défendre » ses intérêts, son pays n'excluait plus de rejoindre les rangs de l'Opep. Hier, c'était au tour de l'Iran, un pilier historique de l'Opep, de pousser le bouchon à l'extrême en faisant comprendre qu'il demanderait une réduction de 1,5 à 2 millions de barils par jour de la production. « Notre position lors de la prochaine réunion de l'Opep en Algérie est de demander une réduction de 1,5 à 2 millions de barils par jour de la production de l'Opep », a déclaré hier le ministre du Pétrole iranien, Gholam Hossein Nozari. Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, avait indiqué jeudi dernier qu'un consensus s'était dégagé entre les différents membres de l'Opep « pour une forte baisse de la production » mais sans préciser son volume. La finalité étant d'éviter un nouvel effondrement des cours et de créer un équilibre entre l'offre et la demande, en recul pour la première fois depuis 25 ans. Le climat est marqué par une chute vertigineuse des cours du brut sur les marchés internationaux, effet généré par la crise économique mondiale. Le baril de pétrole a chuté de plus de 70% de sa valeur depuis les sommets de l'été. Il valait en juillet de cette année près de 150 dollars. Vendredi, sa cote était à 46 dollars seulement sur les marchés new-yorkais et londonien. Le président en exercice de l'Opep, Chakib Khelil, a annoncé que quatre pays non membres, en l'occurrence la Russie, l'Azerbaïdjan, la Syrie et Oman, allaient prendre part à la réunion d'Oran. Mais la contribution d'autres pays hors Opep, à l'instar du Mexique et de la Norvège, reste importante pour l'équilibre des marchés. Le défi est de taille, d'autant que la probabilité d'une coopération concrète reste mince avec certains de ces non-membres de l'Opep, à l'image de la Norvège, un pays producteur très proche des positions européennes. A ce propos, l'Opep craint d'ores et déjà une perte de ses parts de marché au profit des pays non-Opep si l'organisation prend l'option de pomper moins. L'hypothèse d'une coopération entre membres et non membres de l'Opep ne fait d'ailleurs pas l'unanimité chez les analystes du marché pétrolier. Ces derniers demeurent sceptiques et disent « ne rien attendre des producteurs hors Opep », qui ont pour habitude de pomper au maximum de leur capacité. En Russie, la position officielle qui s'apprête à appuyer la décision d'une « coupe importante » de l'Opep n'est pas du goût des pétroliers privés russes. Même une éventuelle baisse de la production russe devrait passer par des sociétés pétrolières liées par contrats à des compagnies internationales qui s'opposeraient probablement à toute baisse de production imposée et contraire à leurs intérêts. C'est du moins ce que pensent certains analystes internationaux. Le vice-président du géant gazier russe, Gazprom, a lui-même estimé vendredi dernier que le mécanisme d'ajustement de la production de l'Opep n'était « pas directement applicable » à son pays. Pour ainsi dire, « il est très peu probable » que la Russie réduise sa production, qui baisse déjà naturellement en raison de l'insuffisance d'investissements, alors que Moscou « a besoin de toutes les recettes pétrolières possibles » au moment où son économie pâtit de la baisse des cours du baril, ajoutent les mêmes analystes.