Malgré un calme apparent, une colère sourde commençait à monter hier dans les hôpitaux algériens. Au centre hospitalo-universitaire Mustapha Bacha à Alger, il n'y avait pas de banderoles ni de rassemblements de médecins protestataires, mais le mot d'ordre de grève lancé par les cinq organisations affiliées à la Coordination nationale des syndicats autonomes revenait dans toutes les conversations. Dès l'entrée de l'hôpital universitaire, on aperçoit une foule compacte à l'entrée du service gynécologie et obstétrique. « Les médecins sont en grève, revenez la semaine prochaine », dit le gardien sur un air hautain. Un quadragénaire, accompagné de sa femme pour une consultation, fulmine : « Ce n'est pas la première fois qu'on se fait rabrouer de cette façon. Ces mouvements de protestation sont trop fréquents. Nous sommes tous sous-payés dans ce pays. Il faut trouver d'autres moyens de protestation, ce n'est pas à nous d'en subir les conséquences. » Dans le service de radiologie et d'imagerie médicale, les malades prennent, là aussi, leur mal en patience. En plus de la grève des médecins, certains appareils (dont le scanner) sont tombés en panne. « Ce matin, nous avons été insultés par les patients », regrette un agent polyvalent. Et de poursuivre : « La grève des médecins est justifiée. Comment se fait-il qu'on permette aux députés et aux procureurs de vivre dans le faste, alors que les médecins n'arrivent pas à joindre les deux bouts. La veille de l'Aïd, la paie n'avait même pas été virée. » Contacté, le porte-parole de la Coordination, le docteur Lyès Merabet, souligne que la revendication principale des syndicats de la santé publique reste l'ouverture du dialogue. « Il est nécessaire que nos syndicats soient considérés comme des partenaires sociaux à part entière. Il n'est, par ailleurs, pas normal que le point indiciaire soit figé à 45 DA, bien en deçà de nos besoins », clame-t-il. Dr Lyès Merabet, également secrétaire général du Syndicat national des praticiens de la santé publique (Snpsp), met en exergue l'incongruité de la situation actuelle : les primes et les indemnités sont ainsi calculées sur la base de l'ancien salaire de base. Toutes les demandes d'audience adressées par le Snpsp au ministère de la Santé ont eu une fin de non-recevoir. « Les raisons de ce refus restent mystérieuses. D'un côté, ils prônent le dialogue, de l'autre, ils nous ferment la porte au nez », soupire Dr Merabet. Le représentant de la Coordination reste néanmoins optimiste : « Nous gardons toujours espoir. Nous sommes persuadés que nos problèmes trouveront une issue favorable. Mais le refus de tout dialogue pourrait envenimer les choses. Dans les assemblées générales, les médecins se disent prêts à répondre à une grève ouverte. » Les blouses blanches prévoient d'organiser une série de rassemblements. Un sit-in aura ainsi lieu aujourd'hui à l'hôpital Parnet, mardi à Béni Messous et mercredi au CHU Mustapha Bacha. Le message que veulent adresser les médecins, psychologues, professeurs et docents mobilisés dans ce mouvement de protestation est clair : à Barkat, l'actuel ministre de la Santé, ils veulent dire « barakat » !