La justice algérienne est-elle en train de toucher le fond au point de juger un enfant de 5 ans et de surcroît en audience publique ? Le petit Guettaf Oussama, âgé d'à peine 5 ans, a été jugé lundi dernier par le tribunal correctionnel de Ménéa près la cour de Ghardaïa pour coups et blessures volontaires sur sa tante paternelle. Accompagné de ses parents et de son avocat, l'enfant, en dépit de son âge, a comparu en audience publique. Il ne comprenait absolument rien aux questions du juge sur la véracité ou non des faits qui lui sont reprochés. Il a éclaté en sanglots, suscitant la compassion des nombreuses personnes présentes à l'audience. L'enfant avait déjà subi une première torture. Celle d'être entendu par la police judiciaire et ce, après avoir été destinataire d'une convocation... à son nom. Interrogé par le correspondant local du journal Echourouk, l'avocat de Oussama n'a pas pu s'empêcher d'exprimer sa colère contre de telles violations du code de procédure pénale, notamment dans son volet relatif aux mineurs. « La loi est très claire à ce sujet. L'enfant ne peut comparaître en audience publique parce que le but n'est pas de le sanctionner mais de moraliser le comportement du mineur. Non seulement le législateur a imposé le huis clos pour les procès de mineurs, mais il doit prendre en compte le côté psychologique de ces derniers », a déclaré l'avocat. Toutes ces dispositions ont été violées non seulement par la police qui a entendu l'enfant avant de le présenter au parquet, mais également par le tribunal qui l'a jugé, comme un adulte, en audience publique. Le pauvre enfant n'avait d'autre défense que de se réfugier dans les sanglots. La cerise sur le gâteau a été le verdict rendu en fin de journée par le tribunal de Ménéa : un blâme et le paiement des frais de justice par les parents. Abattu, le père, Guettaf Hourri, a déclaré aux correspondants locaux que son fils « est traumatisé par cette affaire et ne comprend rien à ce qui lui arrive. Il est très affecté et se mure dans un silence inquiétant. Lorsque le juge a insisté pour le faire parler, il a éclaté en sanglots ». Contacté, le chargé de la communication de la Sûreté nationale a déclaré : « C'est le tuteur de l'enfant qui a été convoqué par la police judiciaire de Ménéa, sur instruction du parquet. Le procureur a demandé par la suite l'audition de l'enfant, mais elle ne pouvait se faire du fait que ce dernier ne parlait pas bien. Un rapport a été fait dans ce sens et transmis au parquet. » Y a-t-il pire pour un enfant et ses parents, que de subir un tel traumatisme ? Parce qu'il s'agit d'une grave dérive liée à la violation des droits consacrés des enfants, dans un pays qui a l'obligation (en vertu de nombreuses conventions) de les protéger.