Promise par pratiquement tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1988, une banque d'investissement verra très prochainement le jour, selon les déclarations du Premier ministre et celle du ministre des Finances qui se sont, toutefois, tout deux gardés de donner une date précise de démarrage. Tout en restant prudent sur la sincérité de l'intention en cette période préélectorale propice à ce type d'annonce, la création d'une institution chargée du financement à long terme (15 ans et plus) de gros projets industriels (pétrochimie et autres grands complexes industriels et touristiques) est d'une absolue nécessité pour combler un vide qui a considérablement nui à l'industrie algérienne. Il faut en effet savoir qu'en Algérie où la promotion de l'investissement est censée être une des préoccupations centrales, il n'existe à ce jour pas une seule banque en mesure d'accorder les crédits substantiels et à longs termes que requièrent les gros projets industriels. L'unique institution qui existait avant l'ouverture économique, en l'occurrence la Banque algérienne de développement (BAD), s'est vu retirer cette prérogative sans doute sur recommandation du FMI qui l'avait, à l'époque, ciblée comme une des principales sources d'inflation. La BAD avait, on s'en souvient, financé les plus gros complexes industriels réalisés dans les années 1970 et 1980 et qui n'avaient malheureusement pas tous tenu leurs promesses en matière de retour sur investissements, ouvrant ainsi la voie à l'inflation qui avait atteint son paroxysme à la fin des années 1980. La BAD a, depuis, été cantonnée dans la gestion des lignes de crédits extérieurs avec, toutefois, la promesse, du reste jamais tenue, de lui redonner sa fonction initiale après une profonde restructuration. L'absence de banque d'investissement à long terme est en grande partie responsable du désinvestissement industriel qui a laminé la croissance économique et relégué notre pays vers les activités de bazar. Les quelques promoteurs qui se sont hasardés sur ce segment d'investissement très périlleux ont été contraints de se rabattre sur les crédits à moyen terme (5 à 7 ans) qui ne conviennent pas du tout aux grands projets industriels et touristiques qui requièrent des périodes d'amortissement beaucoup plus longues (20 ans et plus), les retombées financières attendues exigeant davantage de temps qu'un investissement ordinaire. Les crédits à court et moyen termes actuellement servis par les banques commerciales en activité constituent assurément des costumes trop étroits pour les gros investisseurs, mais ils n'ont pas le choix. D'où la tentation de faire avec, en présentant des montages financiers irréalistes que certains parviendront à faire admettre aux banquiers en faisant intervenir des personnalités politiques influentes. L'exemple en est offert par Tonic Emballage qui avait, on s'en souvient, obtenu de la BADR pas moins de 61 milliards de dinars sous forme de crédits à court et moyen termes pour financer son complexe de Bou Ismaïl. Avec ce type de crédits qui ne convient qu'aux investissements à rentabilité rapide il était, à l'évidence, matériellement impossible pour ce projet d'énorme envergure d'honorer les échéances de remboursement sur une période aussi courte. Il est évident que si une banque d'investissement à long terme existait en ce temps-là en Algérie, Tonic Emballage l'aurait fort probablement sollicitée et les dérapages qui en avaient résulté, étaient sans doute évités. C'est pourquoi la création d'une telle institution, qui pourrait prendre la forme d'une banque ou d'un fonds d'investissement, ne peut être que saluée. Le Trésor, qui ne subit pas encore les effets de la crise financière internationale, dispose de liquidités nécessaires à la capitalisation d'une telle institution qui pourrait, si elle est bien contrôlée, lui donner l'assurance de bons placements dans de grands projets non seulement rentables mais, aussi et surtout, structurants pour notre industrie en mal de croissance. Une dizaine de projets pétrochimiques, plusieurs unités de dessalement d'eau de mer, de grosses usines de diverses branches industrielles, d'importantes infrastructures touristiques, pourraient trouver dans cette institution les crédits à long terme requis.