Abderrahmane Bergui, très sensible au phénomène de la violence dans les stades, parle dans cet entretien de ses origines et suggère les méthodes efficaces pour le combattre. En votre qualité de président d'une association qui active en direction des jeunes et ancien arbitre international de football, peut-on connaître vos impressions sur cette escalade de la violence ? Ce qu'il faut savoir aujourd'hui, c'est que le football est devenu un phénomène social qui influe sur toute la société et plus particulièrement sur la jeunesse. Les jeunes des cités et quartiers qui vivent dans un environnement difficile face aux problèmes quotidiens et avec le manque d'animation, leur seul et unique moyen d'extérioriser leur énergie débordante reste le football. Malheureusement, cette frange de jeunes, livrée à elle-même, se considère marginalisée. Elle représente une proie facile aux manipulateurs dans certains stades. Les pseudos dirigeants et pseudos supporters sont la véritable source de la majeure partie des incidents survenus dans nos stades. Ils manipulent cette proie facile au sein de certains clubs pour créer des troubles et pour déstabiliser l'équipe dirigeante en place. Cela est connu de tous et je pense qu'il est urgent d'arrêter une stratégie concrète qui réponde à la réalité du terrain. Quelle stratégie adopter face à ce fléau ? Il y a deux fléaux qui gangrènent le football : la violence et la corruption contre lesquelles la FIFA mène un combat sans merci. Ce qui n'est pas le cas à notre niveau. Le plus inquiétant, c'est que ni la FAF ni la Ligue nationale ne se sentent concernées. Elles se limitent aux sanctions automatiques du huis clos qui n'ont eu aucun effet. Par contre, sous d'autres cieux, d'importantes décisions ont été prises pour faire face à la montée de la violence. L'une des causes qui sont à l'origine de la violence, ce sont les déclarations incendiaires dans la presse de certains dirigeants qui influent négativement sur le jeune supporter. Nos instances sportives n'ont à aucun moment réagi. Nous ne pouvons passer sous silence les méthodes utilisées qui sont contraires à l'esprit sportif pour avoir le gain d'un match, sans que personne n'ose réagir à ce genre de pratiques que la morale sportive réprouve. La meilleure stratégie à adopter en tant que responsables, c'est tout d'abord le courage de s'assumer en s'attaquant aux vraies causes qui sont connues de tous et de mener de manière continue un travail de proximité dans la sensibilisation contre la violence, en s'impliquant pleinement par un programme qui répond à la réalité du terrain, à savoir discuter avec les jeunes dans leur propre environnement sans démagogie. Peut-on connaître le rôle exact des stadiers ? La mission du stadier est particulière. Le stadier doit être capable de vérifier la sécurité des installations, évaluer les risques entraînant des dégradations, contrôler les titres d'accès, confisquer les objets dangereux. Il accueille, informe et oriente le public, prévient les conflits et les flux de la circulation du public et enfin, il assiste les personnes en danger. Voilà le vrai rôle du stadier. Malheureusement, aujourd'hui dans certains stades, ils sont utilisés comme videurs pour intimider l'équipe visiteuse et les arbitres avec la bénédiction des dirigeants. Croyez-vous que la présence des stadiers peut éradiquer la violence ? Non. Il faut que l'on soit très clairs, les stadiers ont un rôle uniquement préventif. Peut-on remédier à cette situation ? S'il y a une volonté sincère et responsable de tous les partenaires et une prise de conscience collective, on peut remédier à cette situation. A mon avis, il faut réagir sans ménagement envers toutes les personnes et sans exception pour faire face à ce fléau qui nuit énormément au développement du football. Il faut songer en urgence à une stratégie commune (FAF, LNF, journalistes sportifs, autorités compétentes), car le mal est très profond, la situation est très préoccupante, cela risque de dépasser le cadre sportif. L'arbitrage est souvent mis à l'index, accusé d'être à l'origine de la violence... Ce que je peux dire, c'est que nous avons de très bons arbitres, mais malheureusement, ils évoluent dans un environnement difficile et hostile et sous les influences de certains dirigeants qui agissent en toute impunité. La direction nationale des arbitres n'est qu'une façade. La seule préoccupation des responsables des instances sportives est la commission des désignations des arbitres, gérée par un système bien huilé et au bon vouloir des décideurs qui sont connus de tous, utilisant des intermédiaires pour exécuter les sales besognes. Aujourd'hui, l'arbitrage est devenu prisonnier d'un système qui dépend de l'homme qui l'utilise selon ses intérêts. Il est urgent de restituer la gestion de l'arbitrage à son véritable contexte et selon les directives et orientations de la FIFA pour lui rendre toute sa crédibilité et la confiance.