Dans ce bref entretien, le président de l'association Ouled El-Houma, ex-arbitre international et néanmoins expert nommé auprès du ministère de la Justice pour ses actions en milieu carcéral, déplore les actes de violence et de vandalisme qui sèment le désordre dans nos stades. Abderrahmane Bergui estime que le projet de sensibilisation et de lutte contre la violence, mis en œuvre durant la saison 2009 par son organisation, n'a pas eu les résultats escomptés en raison de l'ampleur de ce fléau qui ne peut être atténué uniquement par des actions de sensibilisation, de distribution des prospectus, de remise de tee-shirts, casquettes, de l'animation. Nouvelle sonnette d'alarme. Liberté : La violence dans les stades est désormais érigée en “sport”. Pourtant, des programmes ont été mis en place pour juguler ce fléau. Qu'en est-il ? Abderrahmane Bergui : Aujourd'hui, le phénomène de la violence reste posé en raison de sa complexité. À notre avis, on ne peut trouver une solution que par une nouvelle approche coordonnée avec tous les secteurs concernés, et ce, pour s'atteler aux vraies causes de la violence. Le projet de sensibilisation et de lutte contre la violence, mis en œuvre durant la saison 2009, n'a pas eu les résultats escomptés en raison de l'ampleur de ce fléau qui ne peut être atténué uniquement par des actions de sensibilisation, de distribution des prospectus, de remise de tee-shirts, casquettes, de l'animation. Nos stades, considérés jadis comme lieux de spectacle et de détente, sont devenus des lieux d'actes de violence et de vandalisme. Actuellement, nos stades sont gérés d'une manière anarchique avec des comités de pseudos supporters qui s'autoproclament et les stadiers qui sont mis en place sans aucune formation agissent en maîtres des lieux. Devant cette confusion, la violence ne peut que s'accentuer et dans ces conditions, on ne peut obtenir un quelconque résultat. Est-ce que ce phénomène est lié uniquement aux jeunes issus des quartiers difficiles comme certains le laissent entendre ? Il y a une part de vérité, certes. C'est un problème très épineux comme tout le monde le sait, la majorité de nos jeunes qui fréquentent les stades sont issus des cités et quartiers populaires, défavorisés et difficiles, vivant dans un environnement hostile avec toute la diversité et complexité des fléaux sociaux. Cette frange de jeunes en difficulté livrée à elle-même, sans ressources, en l'absence de toute animation, n'a pour unique distraction que le football et le stade reste son univers. Pour ces jeunes, cela nécessite un programme spécifique pour permettre d'agir concrètement dans leur propre milieu pour mener à bien un programme de sensibilisation et de lutte contre la violence. De par notre expérience acquise auprès des jeunes des cités et quartiers depuis plusieurs années, notre association demeure convaincue que cela nécessite une nouvelle approche qui consiste à mettre en place un programme d'activités de proximité répondant à la réalité du terrain, qui sera mené par des jeunes eux-mêmes et qui maîtrisent parfaitement l'environnement du jeune des quartiers pour les impliquer. Aujourd'hui, la société civile dans son ensemble doit s'impliquer pour faire face à ce phénomène de la violence car ce problème n'est pas du ressort uniquement du ministère de la Jeunesse et des Sports. Les autres secteurs doivent être concernés, et on ne peut faire face à ce fléau pour le combattre avec des actions d'animation. Cela nécessite une mobilisation cordonnée avec des actions concrètes en mettant de grands moyens humains et matériels car il y a risque qu'on soit dépassé par les événements. Le dernier match des Verts face à la Serbie en est la preuve. Mais on se limite à dire seulement qu'il faudra s'attaquer aux causes. Même discours, mêmes effets et toujours pas de résultats. Que préconisez-vous alors comme solution radicale ? Il y a lieu de réfléchir à une méthode de lutte contre ce fléau et qui consiste à s'attaquer autant aux causes qu'à ses effets et de s'impliquer dans les grands quartiers populaires et sensibles pour communiquer directement avec cette frange de jeunes en difficulté sur ce phénomène. Aussi, il est devenu urgent de clarifier le rôle de tous les acteurs par des textes de loi juridiques pour clarifier et déterminer le rôle de tout un chacun, comme les comités de supporters, les stadiers, les directeurs du stade, les dirigeants de club, les services d'ordre et la Ligue nationale de football. Malheureusement, aujourd'hui on constate avec impuissance que cette confusion qui règne dans nos stades ne fait qu'accentuer la violence. Se dirigeant vers le professionnalisme, je pense que la gestion d'une rencontre de football dans les stades doit être de rigueur. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas comme nous l'avons constaté tout récemment, lors de la dernière rencontre internationale avec le désordre et l'exploitation sur les billets d'accès au stade par des réseaux bien implantés, encouragés par notre silence. D'après vous, peut-on réellement avec cette nouvelle approche éradiquer cette violence ? Aujourd'hui, le ministère de la Jeunesse et des Sports accorde une très grande importance aux activités de proximité. C'est déjà très important, surtout avec l'installation d'une directrice générale de la jeunesse avec qui j'ai eu à m'entretenir sur ce sujet. J'étais très convaincu par sa vision sur le problème de la violence. Elle compte favoriser les actions de proximité pour être à l'écoute des aspirations et préoccupations des jeunes dans leur propre environnement, surtout dans les cités et quartiers à très forte population, ainsi que pour la mise en place d'un programme qui réponde à la réalité. Personnellement, je suis très favorable à cette démarche qui consiste à mettre en place un programme de sensibilisation de lutte contre la violence et de tous les fléaux sociaux qui touchent le milieu des jeunes dans les cités et quartiers. Car les causes ne sont pas décelées dans les stades, mais dans le milieu où évolue le supporter. F. B.