Le projet de créer une « Opep du gaz » est relancé depuis Moscou. C'est aujourd'hui que se tient la fameuse entrevue des membres du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG). En Europe, la tension est à son paroxysme à la veille de cette réunion qui devrait, selon des dires, asseoir les piliers d'une organisation regroupant les pays producteurs de gaz. Le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, a déclaré, lors d'une récente sortie médiatique, que la délégation russe qui présidera ce forum soumettra des propositions dans ce sens. Pour la Russie, les choses semblent être d'ores et déjà claires. Le journal russe Kommersant, qui cite une source proche du gouvernement (russe), a écrit que cette organisation serait créée sur la base du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG). Selon le même quotidien moscovite, très proche des milieux d'affaires russes, la charte de cette nouvelle organisation pourrait être présentée lors de la réunion d'aujourd'hui. Les ministres de l'Energie d'une quinzaine de pays, parmi lesquels la Russie, l'Algérie, l'Iran, le Venezuela et le Qatar, sont attendus à cette rencontre. La Norvège, troisième exportateur de gaz au monde après la Russie et le Canada, y participera, quant à lui, en qualité d'observateur. Cette réunion constitue aussi une opportunité pour une seconde tentative destinée à trouver un équilibre sur les marchés énergétiques. L'évolution des cours mondiaux du pétrole, sur lesquels sont indexés ceux du gaz, ne fait pas sourire, notamment après le sommet de l'OPEP, tenu le 17 décembre dernier à Oran. Le ministre russe de l'Energie, Sergueï Chmatko, a annoncé hier la couleur dans un entretien accordé au quotidien Rossiïskaïa Gazeta. « Notre but est de garantir un équilibre indispensable entre les fournisseurs de gaz et de coordonner la politique entre les pays producteurs et consommateurs de combustible », a-t-il déclaré. Et d'ajouter : « Nous réfléchissons à la manière d'établir les règles du jeu. Mais n'attendez pas à ce qu'elles entrent en vigueur dès le 1er janvier », a prévenu M. Chmatko. Quoi qu'il en soit, cette entrevue des exportateurs du gaz à Moscou fait craindre le pire aux Européens, sur fond d'un différend gazier opposant la Russie à l'Ukraine. Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, avait déjà répliqué en qualifiant de « sans fondement » les « craintes » des pays consommateurs. Une position algérienne ambiguë En tout cas, depuis la naissance de cette idée d'une « OPEP du gaz », l'Agence internationale de l'énergie (AIE), une organisation qui défend les intérêts des pays industrialisés, n'a cessé de monter au créneau contre ce projet. Il y a quelques jours, un haut responsable de l'AIE a considéré que la mise sur pied d'une « OPEP du gaz ne constitue jamais une idée recevable ». Cette idée a été évoquée pour la première fois, fin 2006, lors de la signature d'un protocole d'accord entre Sonatrach et le géant russe Gazprom. Le concept avait été repris par l'Iran qui n'a pas hésité à appeler, en février dernier, par le biais de son ministre de l'Energie, à la constitution d'une « Opep du gaz ». L'idée a été mûrement débattue avec la Russie. Les initiatives russo-iraniennes ont été suivies par la création d'une « troïka » en partenariat avec le Qatar. Les trois grands producteurs de gaz, en l'occurrence la Russie, l'Iran et le Qatar, contrôlent un volume d'environ 60% des réserves mondiales de gaz. Peu avant cette annonce, le ministre de l'Energie iranien avait appelé, en février dernier, à la constitution d'une « Opep du gaz », après que l'idée ait été débattue avec les Russes. Depuis l'émergence du concept en 2006, dans le cadre d'un protocole d'accord entre Sonatrach et Gazprom, la position algérienne n'a pas évolué et est restée confuse, si l'on tient compte des différentes déclarations émanant des responsables et des institutions officielles. Pour mémoire, Abdelaziz Bouteflika n'avait pas rejeté cette option, mais a déclaré seulement que l'idée « mérite d'être examinée et discutée entre tous les intéressés ». Le président Bouteflika, dans une interview accordée en mars 2007 au quotidien espagnol El Pais, avait revivifié, sans trop de conviction, l'idée d'une « Opep du gaz », que son ministre de l'Energie s'était évertué à exclure. En octobre dernier, Chakib Khelil, puisqu'il s'agit de lui, a indiqué que « les conditions nécessaires doivent être réunies pour que l'idée d'une Opep du gaz soit possible ». Commentant la proposition iranienne de créer une « Opep du gaz », le président algérien a déclaré aussi au journal espagnol que celle-ci (la proposition) « s'inscrit dans les tendances introduites par la globalisation qui poussent les producteurs à se solidariser pour défendre leurs intérêts ». Les Européens émettent des inquiétudes sur ce projet qui, d'après la Commission européenne, pourrait aggraver leur dépendance énergétique. La consommation européenne devrait dépendre 75% des importations en 2020, selon les prévisions. Les Américains, quant à eux, considèrent que cette idée d'une « Opep du gaz » mettra en danger la sécurité énergétique mondiale et ouvrira la voie à la manipulation des prix.