Le torchon brûle entre une partie des travailleurs des personnels médical et paramédical de l'hôpital de Aïn Taya et leur direction générale. Un arrêt de travail d'une journée a été organisé, il y a de cela quelques jours, suite à la suspension par le directeur d'un chirurgien. Les protestataires ont voulu, par ce geste, dénoncer « l'abus d'autorité, les intimidations » et la « dégradation du climat de travail » au niveau de cet établissement hospitalier. Dans une lettre datée du 13 décembre, l'ensemble des chirurgiens du service universitaire de Aïn Taya, tout en apportant leur soutien à leur collègue, dénoncent le « complot ourdi et les allégations fallacieuses » du directeur de l'hôpital. « Le seul tort de notre confrère a été de contester une retenue sur salaire injustifiée et d'exiger ses bulletins de paie pour faire valoir ses droits auprès de sa tutelle », peut-on lire dans ce document. Dans une correspondance qu'il a adressée, le 27 novembre 2004, au ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le Pr Djilali Ghalib, chef de service universitaire de chirurgie générale à l'hôpital de Aïn Taya, a tenu à préciser que les conditions morales et matérielles, au niveau de son service s'étaient « détériorées gravement ». Le rédacteur de la lettre précise que des travaux « incompatibles avec la présence de malades hospitalisés » ont été entrepris sans que les chirurgiens soient informés. De même que, ajoute le professeur, le directeur a « offert le spectacle d'une crise d'agitation extrême, avec propos injurieux à l'encontre de la surveillante générale, et cela en présence de trois membres de la direction départementale ». Le Pr Ghalib conclut sa lettre en signalant que les méthodes de gestion et l'attitude du directeur à l'encontre du personnel qui ne lui manifeste pas, malgré les menaces de licenciement ou de mutation, le comportement servile qu'il croit exiger d'eux, sont arrivés à tel point que le scandale devient inévitable. « Le directeur a intimidé plusieurs employés de l'hôpital afin de dénoncer le chirurgien », atteste le syndicat. Dans une requête adressée au secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs de la santé, la section syndicale de l'hôpital de Aïn Taya tient à dénoncer « les agressions physiques et verbales » et le « manque de respect » du directeur envers le personnel de l'hôpital. Une informaticienne aurait fait l'objet d'un acte d'agression de la part du même directeur, et un technicien supérieur au service radiologie aurait été rétrogradé pour avoir demandé un appareil de détection des radiations. « Le directeur a refusé de signer le PV de rétrogradation devant l'huissier de justice », nous précisent les membres du syndicat. Nos interlocuteurs ajoutent que cet employé exerce toujours au service radiologie mais est rénuméré en qualité d'agent polyvalent. Par ailleurs, un dentiste aurait été, selon les dires des représentants des travailleurs, suspendu de ses fonctions pour « vol ». L'employé aurait même eu gain de cause suite au procès qu'il a intenté à l'encontre de la direction de l'hôpital. Une décision de réintégration au poste et une somme de 130 millions de centimes de dommages et intérêts à verser auraient été prononcées par un tribunal. « Cet employé attend toujours sa réintégration », nous dit-on. Ils veulent déstabiliser l'hôpital Pour sa part, le directeur de l'hôpital de Aïn Taya, Rachid Boughaïta, que nous avons rencontré, récuse toutes ces accusations et affirme que son établissement qui a acquis, selon lui, une « grande réputation » depuis son installation à sa tête, voilà trois ans et demi, est convoité par une minorité de « profiteurs ». « Nous avons extirpé l'hôpital de la mainmise de certains employés qui faisaient de cet établissement un fonds de commerce », précise notre interlocuteur. « C'est parce que j'ai voulu instaurer la discipline et la rigueur dans le travail et fermé les robinets à certaines personnes qui s'étaient enrichies sur le dos du malade que je suis devenu un obstacle, un directeur indésirable », affirme-t-il. Plus explicite, le premier responsable de cet établissement hospitalier déclare que tous ceux qui ont été sanctionnés l'ont été suite à des rapports accablants ou à des constatations d'absentéisme, de refus ou de négligence dans le travail. « Ceux qui considèrent que punir une sage-femme qui somnole pendant ses heures de travail ou un infirmier qui quitte son lieu de travail sans laisser de permanence pour rejoindre les cliniques privées ou bien un mécanicien qui échange les pièces de rechange des ambulances pour, ensuite les revendre au marché aux puces de l'abus d'autorité, alors moi, je leur réponds que je suis le premier responsable de cet hôpital, et je dois exercer pleinement mes fonctions. Le directeur doit prendre toutes les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'hôpital », précise notre interlocuteur. Les chirugiens de l'établissement ne sont pas à l'abri des accusations du directeur, puisque, estime M. Boughaïta, certains parmi eux utilisent toutes les ruses pour obliger les malades à se tourner vers les cliniques privées. « Le nombre d'opérations chirurgicales a sensiblement diminué ce dernier trimestre, alors que nous possédons six blocs opératoires et avons acquis du matériel médical pour pas moins de quatre milliards de centimes. Des malades fictifs ont été inscrits sur le registre alors que d'autres hospitalisés ont fait l'objet de vol », assure notre interlocuteur. Et d'ajouter : « De nos jours, rares sont les médecins spécialistes qui exercent leur huit heures. » Sur un total de 50 employés qui exercent en parallèle dans les cliniques privées, deux seulement ont reçu l'aval de la direction.