Surprise et étonnement ! Le grand hall du palais de justice Abane Ramdane est noir d'avocats en cette journée de samedi. Les robes noires, en grand nombre, sont là, présentes dès la matinée, en vue d'assister aux délibérations de la commission de contrôle des élections, enfermée dans la salle de réunion du barreau d'Alger depuis la première heure pour examiner « les irrégularités » dénoncées par certains candidats en lice. La réunion se déroule sous la présidence de Ali Ammar Laouar. En attendant les délibérations, des groupes d'avocats se constituent ici et là. Au centre des discussions, les élections de jeudi 6 janvier pour le renouvellement du barreau d'Alger, dont le mandat est arrivé à expiration à la fin 2004. « Les élections ont été annulées », apostrophe un avocat son collègue, l'air étonné. « Il y a eu des irrégularités, nous a-t-on dit », répond l'autre. Un autre avocat, robe noire sous son bras gauche, s'interroge sur l'annulation de ces élections. « Pourquoi a-t-on attendu jusqu'à 4h, après que la tendance eut été connue, pour introduire un recours contestant les résultats et le déroulement des élections ? », se demande-t-il. « Il faut qu'on soit un peu logique dans nos positions », ajoute-t-il. « Ils veulent préserver leur place par la fraude. L'histoire retiendra que les avocats du barreau d'Alger, le plus important du pays, ont fait face à une fraude généralisée », pérore-t-on du milieu du grand hall. La réunion se poursuit jusqu'au soir. La commission de contrôle confirme l'annulation des élections en prenant acte des « irrégularités » constatées par nombre de candidats. La décision a été accueillie avec beaucoup de sérénité. Même les compagnons de Abdelmadjid Sillini, président du conseil sortant et candidat à sa propre succession, qui ont raflé la mise avec près de 95%, selon leurs termes bien sûr, se disent prêts à s'engager dans une nouvelle bataille électorale. « Nous sommes pour la réorganisation de ces élections. L'essentiel pour nous est que les membres du conseil ne soient issus que de la volonté de la base », lâche un avocat-candidat dans la liste que conduit Me Sillini. Selon cet avocat qui a requis l'anonymat, « il n'y a pas eu fraude ; et si l'on accepte de refaire les élections, c'est seulement pour ne pas laisser planer le doute que le conseil sortant veut influer sur ces élections. Nous sommes sereins ». L'argumentaire des avocats qui contestent le déroulement de ces élections est qu'il y a eu une « liste additive » inconnue de l'ensemble des avocats qui a été ajoutée le jour même du vote, soit le 6 janvier. Liste additive Me Tayeb Belloula explique bien l'origine de cette « liste additive ». « Il faut faire une différence entre le tableau où figurent tous les avocats inscrits et la liste électorale où ne figurent pas ceux qui n'ont pas régularisé leur situation vis-à-vis du conseil de l'ordre. Si, le jour des élections, un avocat régularise sa situation, il peut voter et son nom figurera sur la liste additive », précise-t-il. Me Belloula ajoutera, en outre, que la commission de contrôle des élections « n'a pas les prérogatives de statuer sur la validité de ces élections. Sa mission est bien définie. Elle doit prendre acte des recours des candidats contestataires et vérifier le fondé de ces recours. Et c'est aux instances juridiques de statuer définitivement sur les élections ». Un autre avocat sous le couvert de l'anonymat souligne que « les contestations et les cris à la fraude n'ont été entendus que neuf heures après l'ouverture de l'opération de dépouillement. Or les irrégularités devaient être signalées normalement - puisqu'on ne conteste pas le déroulement du dépouillement, mais celui de l'opération de vote elle-même - au cours de l'opération de vote et non pas après la fin du dépouillement. Ainsi, on s'interroge sur les véritables motivations, si ce n'est pas celles de vouloir salir l'image de la profession ». Ainsi, les avis sont partagés. La commission de contrôle annonce, à cet effet, que d'autres élections auront lieu prochainement, avec la garantie que toutes les conditions de transparence et de bon déroulement de l'opération de vote seront réunies. Cependant, elle considère que « les accusations de faux sont injustes ». A rappeler que le barreau d'Alger compte 31 membres.