Elle est accusée d'avoir signé un chèque sans provision d'une valeur de 466 millions de centimes. La mise en cause essayait, à grand-peine, d'expliquer au magistrat qu'elle avait signé une procuration à son fils. Dix heures à la rue Abane Ramdane à Alger-Centre. Une multitude de personnes se bousculait à l'entrée de l'imposante bâtisse abritant le tribunal de Sidi M'hamed. Sécurité oblige, il faut se soumettre au contrôle du scanner installé au-devant de la porte d'entrée. Les sacs à main et autres cartables seront fouillés systématiquement. Le vaste hall du tribunal grouille de monde. Le bruit assourdissant provoqué par les cris et les confidences du public rend la communication très difficile. Les robes noires sont les plus faciles à repérer au milieu de la mosaïque humaine présente sur les lieux. Des adolescents côtoyaient des vétérans devant les guichets. Un préposé à la réception des demandes de certificat de nationalité ou du casier judiciaire nous affirme que les choses se sont améliorées. «Avant l'ouverture du nouveau siège de la cour d'Alger au Ruisseau, on avait beaucoup de difficultés à gérer la situation», dit-il. Et d'ajouter, l'air content: «Le citoyen peut maintenant retirer son certificat de nationalité ou son casier judiciaire en une seule journée. Il dépose sa demande le matin et retire son document l'après-midi.» Un autre guichet est réservé à la délivrance d'autorisations de visite. Un document indispensable pour toute personne voulant rendre visite à un détenu. Tout près de ce dernier guichet, un tableau d'affichage est suspendu au mur. Là, sont affichés des avis de vente aux enchères et bien d'autres notes concernant des huissiers de justice. On peut y trouver également des affiches de l'administration pénitentiaire. Par exemple, on peut y lire que l'établissement carcéral d'El Harrach lance une consultation pour l'approvisionnement en produits alimentaires, dont les fruits et légumes. La salle d'audience n°1 est pleine. Un jeune avocat s'efforçait de convaincre le juge que sa cliente, divorcée, se trouve dans une situation difficile. Son ex-mari refusant de lui payer la pension alimentaire. La parole sera donnée peu après à une avocate, jeune elle aussi, et défendant la partie adverse. Elle demande carrément l'annulation de la plainte déposée à l'encontre de son client, l'ex-mari de la plaignante. Selon l'avocate, la plaignante ne peut saisir la justice car son client ne s'est acquitté que du dernier mois. On passe au suivant. Le juge prend un autre dossier de la pile compacte déposée à sa droite et appelle les concernés. Une dame, la cinquantaine entamée, se présente devant le magistrat. Les deux parties de cette affaire ont fait appel aux services d'avocats aux cheveux presque blancs. Vérifiant l'identité de l'accusée, le juge constate qu'elle ne connaît ni la date ni le lieu de sa naissance. Laquelle femme est pourtant propriétaire d'une coopérative immobilière. Elle est accusée d'avoir signé un chèque sans provision d'une valeur de 466 millions de centimes. La mise en cause essayait à grand peine d'expliquer au magistrat qu'elle avait signé une procuration à son fils. Les personnes se trouvant dans la salle affichent des signes d'intérêt quant à ce procès. Le magistrat décidera, une fois de plus, de reporter le procès car... on ne connaît pas le lieu de naissance de l'accusée. L'avocat de cette dernière n'a pu donner que l'année de la naissance de sa cliente. Les présents dans la salle d'audience sont, dans leur majorité, complètement absorbés par l'attente de voir passer leur affaire. Un quadragénaire, visiblement fatigué, fixait le plafond, inquiet. Près de lui, assise sur le même banc, une femme voilée se rongeait les ongles. Le calme régnant dans l'aile réservée à l'assistance vient d'être rompu par une sonnerie de téléphone portable. Un policier se dirige immédiatement en direction d'un jeune barbu et le somme de lui remettre l'appareil. Le jeune, après plusieurs tentatives, finit par convaincre l'agent de lui rendre son mobile. Dans le hall, les robes noires discutent, surtout, de l'affaire d'un de leurs confrères qui a critiqué un verdict. Certains avocats évoquent, semble-t-il, le droit de la défense et l'abus d'autorité. D'autres, en revanche, considèrent que leur confrère n'aurait pas dû critiquer un verdict de la justice. C'est clair, estime-t-on. Rencontré sur place, le bâtonnier national, maître Abdelmajid Sillini, nous indique que «les rapports avocats-magistrats marquent une nette amélioration». Selon ce bâtonnier, en campagne pour sa propre succession, «l'administration de la justice a fait preuve d'efforts remarquables en matière d'écoute des doléances des avocats». Un autre avocat considère que les rapports entre les deux parties dépendent de la personnalité des partis concernés. Notre interlocuteur n'a pas le temps d'expliquer; il doit regagner la salle d'audience. «J'ai une deuxième affaire», a-t-il lancé.