Le président de la Société algérienne de pharmacie, Farid Benhamdine, revient dans cet entretien sur les dernières décisions du gouvernement relatives à l'industrie pharmaceutique, notamment la production nationale. Des décisions salutaires, selon lui, mais qui nécessitent concertation et réflexion pour leur mise en œuvre. Le gouvernement vient de prendre la décision d'interdire l'importation de certains produits fabriqués localement. Qu'en pensez-vous ? Déjà en février 2008, le président de la République avait donné des orientations pour l'encouragement de la production locale et avait indiqué les objectifs précis à atteindre. Le gouvernement a traduit la volonté de la plus haute autorité du pays pour sortir des aléas de l'importation, pour développer et encourager la production locale de médicaments répondant aux exigences de haute technologie. L'Algérie a la chance de disposer d'un outil industriel en majorité aux normes internationales et d'un personnel jeune et qualifié. Les deux principales organisations du secteur pharmaceutique (UNOP, SAIP) regrettent de ne pas avoir été associées... La direction de la pharmacie a bien invité pour information les entreprises de production et de conditionnement et leur a demandé leur programme de production pour 2009 ainsi que la signature d'un engagement. Un engouement collectif conjoncturel s'est emparé des participants qui, peut-être dans la précipitation, ont pris des engagements difficiles à réaliser. En effet, des unités qui ont fabriqué 4 millions d'unités en 2008 se sont engagées à en fabriquer 54 millions en 2009 alors que l'industrie pharmaceutique exige une assise financière, des ressources humaines qualifiées, des stocks de pièces de rechange, des capacités d'intervention du contrôle de la qualité, une disponibilité effective des intrants… Il serait souhaitable qu'un texte détermine les conditions de protection des produits et les obligations de stock. Des sanctions pour manquement aux engagements doivent être clairement définies et appliquées si nécessaire, de même que des mesures incitatives doivent être accordées. Un nouveau cahier des charges des conditions techniques à l'importation des produits pharmaceutiques et dispositifs médicaux destinés à la médecine humaine est paru sur le Journal Officiel. Avez-vous des commentaires à ce propos ? Ce nouveau cahier des charges renferme deux points positifs : le rétablissement de l'obligation d'investissement et l'obligation de recevoir des produits frais à deux tiers de leur durée de vie. Ces deux articles existaient déjà dans l'ancien cahier des charges, avant d'être retirés en 2005. Par contre, certains articles constituent un handicap pour les producteurs locaux. Par exemple : attendre la libération des produits par le LNCPP pour pouvoir dédouaner ; perte de temps inutile qui risque de perturber la disponibilité des produits sensibles. exiger plus d'une dizaine de mentions légales sur le conditionnement primaire d'un médicament irréalisables pour certaines formes pharmaceutiques. exiger un délai de 12 mois maximum pour que les entreprises de conditionnement puissent passer à la fabrication. Ce nouveau cahier des charges aurait pu être l'occasion de mettre à niveau notre cadre réglementaire par rapport à l'environnement pharmaceutique international. Nous aurions pu définir les obligations d'un établissement pharmaceutique agréé, exiger d'un importateur de se doter d'un laboratoire de contrôle qualité qui engagera sa responsabilité sur les produits importés, respecter des normes de stockage et de conservation des produits dans le circuit de distribution. Par ailleurs, l'exigence de la qualité doit être sans complaisance Est-ce que ces mesures suffisent à l'assainissement de ce secteur ? Dans ce débat, une absence de taille : l'Agence nationale des produits pharmaceutiques dont l'existence a été votée par l'APN et le Sénat en février et juin 2008. Cette institution publique indépendante doit jouer pleinement son rôle, à l'instar des autres pays. Est-ce que notre pays n'a pas atteint la maturité requise pour ce genre de structure ? Est-ce que les différents départements ministériels perdraient de leur pouvoir ? Est-ce que cela dérangerait des intérêts de tout ordre ? Pourtant, je persiste à croire que la solution à notre crise est dans la création de cette agence qui devra d'abord appliquer les décisions du président de la République, ensuite fédérer les actions dictées par le Premier ministre et, enfin, avec les différents acteurs du secteur, résoudre dans les meilleurs délais cette fausse problématique autour du médicament. L'existence de cette agence publique indépendante ne signifie en aucun cas l'abandon par l'Etat de ses prérogatives en matière de politique des produits pharmaceutiques. Elle est le maillon indispensable à la régulation et à la maîtrise de la politique du médicament. On parle beaucoup du montant de la facture des médicaments, notamment à l'importation. Qu'en pensez-vous ? J'attendais cette question car il faut démystifier définitivement le coût des médicaments en Algérie. L'enveloppe du médicament serait, cette année, de 1,3 milliard de dollars. Elle correspond à peine aux besoins d'un pays comme le nôtre, 3500 DA/an/habitant. La disponibilité de médicaments produits localement, conformes à la rigueur pharmaceutique, aura une incidence évidente sur les prix. La consommation désordonnée du médicament influe fortement sur l'enveloppe budgétaire. L'emploi du médicament générique et la fabrication locale ne peuvent seuls résoudre notre problème de dépense. Dès maintenant, nous devons envisager d'autres axes de réflexion : introduire dans le cursus de nos étudiants en sciences médicales un module d'économie de santé. multiplier le nombre de congrès, journées et autres séminaires de formation continue, dont l'un des thèmes serait lié à l'économie de santé. organiser et pérenniser des réunions de consensus thérapeutique entre médecins et pharmaciens afin de les impliquer dans la bonne prescription. favoriser une politique d'approche envers les citoyens afin de les sensibiliser aux dangers de la surconsommation, de l'automédication et au gaspillage. initier le dossier médical personnalisé. La santé n'a pas de prix mais un coût. Il est normal et judicieux qu'une autorité compétente s'implique pour le maintien de la qualité des soins par la disponibilité de médicaments performants et d'un système de remboursement équitable. L'Agence nationale des produits pharmaceutiques répondra à toutes les exigences de compétence.