Le soutien actif ou passif à Israël est devenu presque le credo des puissances occidentales. Décomplexées vis-à-vis du projet sioniste, elles s'alignent sans retenue sur les thèses défendues par l'Etat d'Israël. L'intense ballet diplomatique de ces dix derniers jours n'a finalement achoppé que d'un mini cessez-le-feu. Israël accorde, après douze jours de boucherie (680 tués palestiniens et 3075 blessés), trois heures de paix précaire par jour aux Palestiniens de la bande de Ghaza. Un sérieux revers pour l'ensemble de la communauté internationale et un aveu explicite de son impuissance face à l'entreprise guerrière, génocidaire de l'Etat hébreu. Si les tares congénitales, les compromissions diverses, empêchent les régimes arabomusulmans de prétendre jouer le rôle de protecteur des Palestiniens, les démocraties occidentales, forgées pourtant dans le moule des droits humains, se sont elles aussi distinguées par une absence remarquable d'impartialité, un révoltant parti pris. Le soutien actif ou passif pour Israël est devenu presque le credo des puissances occidentales. Décomplexées vis-à-vis du projet sioniste, elles s'alignent sans retenue sur les thèses défendues par l'Etat d'Israël. Les exemples de conduite inique qu'ont eu à donner durant ce conflit les Etats-Unis d'Amérique et l'Union européenne ne manqueront certainement pas d'avoir de graves répercussions sur la suite des événements dans la région. Choquantes, certaines déclarations de hauts responsables occidentaux sont perçues comme l'expression d'une profonde injustice. L'allié « historique » d'Israël, les USA, est l'un des premiers à encourager les actes de guerre israéliens. George Bush, le président « sortant », a déclaré en début de semaine « comprendre » le désir d'Israël de « se défendre » et estimé que tout cessez-le-feu devrait comporter des conditions empêchant le Hamas de tirer des roquettes. « Je sais que les gens disent : il faut un cessez-le-feu. C'est une noble ambition. Mais tout cessez-le-feu doit comporter des conditions telles que le Hamas ne se serve pas de Ghaza pour tirer des roquettes », a dit M. Bush. Fidèle à sa rhétorique immuable, Bush dans son allocution radiophonique a imputé au Hamas l'entière responsabilité de la situation. « Le Hamas, un groupe terroriste palestinien soutenu par l'Iran et la Syrie et appelant à la destruction d'Israël, est l'instigateur (du) récent déchaînement de violences », a déclaré M. Bush. Il n'en fallait pas plus pour que le « feu vert » américain soit accordé à l'armée israélienne, pour la voir s'enfoncer le lendemain avec chars et blindés dans le territoire palestinien. Samedi soir, le porte-parole de la Maison-Blanche, Gordon Johndroe, justifie l'offensive terrestre israélienne en déclarant que celle-ci s'inscrivait « dans une opération d'ensemble » visant à en finir avec le Hamas. Barack Obama, pas encore président des Etats-Unis - il prendra ses fonctions le 20 janvier - se met prudemment à la réserve du conflit. Aux journalistes qui le pressaient de réagir aux déclarations de Bush, il répond qu'il aura « amplement le temps » après le 20 de commenter la situation à Ghaza. Le Canada qui a abrité samedi une marche de soutien aux Palestiniens s'engouffre lui aussi dans la même tranchée. « Israël a parfaitement le droit de se défendre contre les incessantes attaques à la roquette déclenchées par les groupes militants palestiniens qui s'en sont délibérément pris à la population civile. D'abord et avant tout, ces attaques à la roquette doivent cesser », a déclaré Lawrence Cannon, ministre des Affaires étrangères canadien. Côté « vieux continent », ce n'est guère mieux. Le Premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne, enfonce davantage le clou et qualifie l'opération terrestre d'Israël à Ghaza d'« opération défensive ». Le prince Karel Schwarzenberg, chef de la diplomatie tchèque, apporte également son soutien, avec celui de l'UE, à l'offensive sanglante et aux frappes aériennes, qualifiant cette dernière de « défensive » et non pas d'« offensive ». « Pourquoi est-ce que je fais partie de la minorité qui a exprimé de la compréhension à l'égard d'Israël ? Parce que je me paye le luxe de dire la vérité », a-t-il déclaré samedi passé. En Israël, ces déclarations sont appréciées à leur juste valeur. Un encouragement à l'escalade. Israël aux « avant-postes du monde libre » ! Le porte-parole du gouvernement israélien, Avi Pazner, en tire de réconfortantes conclusions affirmant que son pays bénéficie d'une « grande compréhension internationale ». Jeudi 1er janvier, sur le perron de l'Elysée, après une rencontre avec le président français, Tzipi Livni, ministre israélienne des Affaires étrangères, a tenu à « remercier le président Sarkozy pour sa compréhension ». « Il est très au fait de la complexité de la situation de notre région. Il comprend la nature de la menace à laquelle Israël fait face ». Livni parle du « monde libre » qu'Israël défend aux avants- postes. « Ensemble, nous essayons, dit-elle, de voir quelle est la meilleure stratégie, la meilleure tactique pour atteindre cet objectif, dans la compréhension qu'il ne s'agit pas d'un problème israélien, mais que d'une certaine manière Israël se trouve en première ligne du monde libre et est attaqué, car nous représentons les valeurs du monde libre, dont la France. » Les efforts engagés par l'Union européenne, la France, les membres du Quartette et les Etats de la région pour faire cesser les combats portent les germes de l'iniquité. Alors que le ministre britannique des Affaires étrangères, David Miliband, a estimé que l'offensive israélienne montre « l'urgence d'un cessez-le-feu immédiat », tandis que son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos, a exprimé samedi sa « solidarité et son soutien » au président palestinien, Mahmoud Abbas. Les diplomaties française et allemande ont chargé les victimes. Lors d'une conversation téléphonique dimanche soir, Angela Merkel et le Premier ministre israélien Ehud Olmert « sont tombés d'accord pour dire que la responsabilité de l'évolution de la situation dans la région incombe clairement et exclusivement au Hamas », a déclaré le porte-parole allemand Thomas Steg lors d'un point de presse régulier. Le Hamas « a rompu unilatéralement le cessez-le-feu. Des roquettes ont été tirées continuellement sur des colonies israéliennes et le territoire israélien et il ne fait aucun doute - la chancelière a insisté sur ce point - qu'Israël a le droit légitime de défendre sa population et son territoire », ajoute-t-il. Depuis Ramallah, le président français, qui a pris la tête, dimanche, d'une troïka européenne, en visite dans la région, juge le Hamas « impardonnable ». Le Hamas porte, selon lui, « une responsabilité lourde dans la souffrance des Palestiniens de Ghaza ». Bernard Kouchner, son ministre des AE, plaidait à la tête du Conseil de sécurité, que la France préside, l'urgence « d'un cessez-le-feu humanitaire ». Le haut représentant de l'UE pour la politique extérieure et la sécurité commune, M. Javier Solana, observe un service minimum. L'UE œuvre en faveur d'un cessez-le-feu immédiat. L'UE, assure-t-il, est disposée à retourner au point de passage de Rafah pour poursuivre sa mission d'observateur, ajoutant qu'une fois le cessez-le-feu décrété, l'UE sera en mesure d'apporter son aide d'une manière constructive. La Commissaire européenne aux Affaires extérieures, Mme Benita Ferrero-Waldner, a exprimé lundi la « profonde inquiétude » de l'UE face à la dégradation de la situation humanitaire à Ghaza. « L'image d'Israël est détruite » par son refus d'écouter les appels à un cessez-le-feu de la communauté internationale, a dit au président israélien, M. Peres, Mme Waldner. « L'Europe devrait ouvrir ses yeux. Nous ne faisons pas dans les relations publiques. Nous combattons le terrorisme et nous avons le droit absolu de défendre nos citoyens », lui a répondu le prix Nobel de la paix.