Jon Alterman, directeur des études stratégiques et internationales au CSIS et patron du programme Moyen-Orient à l'Institut américain de recherche sur la paix basé à Washington, a décliné hier le pragmatisme américain à l'état cru au sujet du dossier du Sahara occidental. Interrogé sur le soutien récent des Etats-Unis à la thèse d'autonomie défendue par le Maroc, le « think tank US », hôte de notre confrère Echâab, a justifié cela par « l'intense activité » des responsables marocains à Washington. « C'est normal, les Marocains sont très actifs à Washington ! L'Algérie ne dispose pas de lobbies qui puissent relayer sa voix », a répliqué presque mécaniquement Jon Alterman. S'il admet que les Etats-Unis ont changé de position à l'égard de cette question après avoir défendu auparavant la légalité internationale, l'expert ne pense pas moins que dans les relations internationales, « tout change, tout change ! », a-t-il martelé. Sans le vouloir peut-être, J. Aterman a suggéré aux diplomates algériens la voie à suivre pour contrebalancer le poids et l'influence des lobbies pro-marocains au Congrès, au département d'Etat et à la Maison-Blanche. Pour cet ex-responsable de la planification des politiques au département d'Etat, c'est ainsi que fonctionnent les choses aux Etats-Unis. C'est ce qui explique en partie l'évolution parfois contradictoire des positions américaines à l'égard des dossiers internationaux, dont le réchauffement des relations avec la Libye – qualifié d'Etat terroriste jadis – est l'exemple illustratif. Interpellé par un confrère à propos de l'Algérie qui n'est pas partie prenante du conflit sahraoui et qu'elle ne pourra pas par conséquent payer des lobbies pour battre en brèche la thèse marocaine, l'expert s'est contenté de hausser les épaules comme pour signifier qu'il n'y a pas d'autre solution… Barack Obama va-t-il faire évoluer la position américaine ? « Je ne sais pas… Vous savez, ce sujet n'a jamais été évoqué durant la campagne électorale par les deux candidats du fait qu'il n'est pas une priorité par rapport à la guerre en Irak, à l'Afghanistan, ou au dossier de l'Iran. » J. Alterman ne s'attend pas non plus à un bouleversement de la politique étrangère américaine avec le président Obama. Même que ce dernier, d'après lui, pourrait « travailler plus avec les société civiles des pays arabes et non pas uniquement avec les dirigeants de ces Etats comme l'a fait George W. Bush ». Il n'empêche que le Hezbollah, l'Iran, la Syrie et le Hamas resteront, selon lui, les points de fixation du nouveau Président, « à moins d'une évolution de leurs positions ». Autre inévitable question : pourquoi les Etats-Unis soutiennent-ils sans réserve Israël ? Réponse de J. Alterman : « Le système politique israélien est d'abord démocratique ; il est plus proche de celui des USA que ceux des pays arabes… J'ajouterai également qu'Israël est aussi menacé dans cette région. » Le « think tank US » enfoncera le clou en estimant que « les Israéliens ont mis 60 ans pour construire leur démocratie alors que les pays arabes sont tout juste au début du processus ». Conclusion : Bush ou Obama, c'est du pareil au même, ne serait-ce que sur cette question de la sécurité d'Israël qui fait partie des constantes nationales aux Etats-Unis, quelle que soit la couleur de leur administration. Là aussi, le puissant lobby sioniste, l'American Israel Public Affairs Commitee (AIPAC) constitue l'arme fatale contre toute velléité de remise en cause de ce sacro-saint dogme américain.