Il a y eu foule hier à Alger. Un monde fou… de rage venu dénoncer l'innommable perpétré à Ghaza. Après deux semaines d'interdit, les Algérois ont fini par briser la camisole qui les empêchait de manifester dans la dignité, comme tous les peuples de la planète, leur solidarité avec les Palestiniens de Ghaza. Ils ont battu le pavé tout l'après-midi. De Belcourt à Bab El Oued, des centaines de milliers de personnes, des jeunes en majorité, des femmes et des vieux, ont marché pour crier haut et fort que les Algériens eux aussi savent être solidaires avec les peuples opprimés et les causes justes. Ils l'ont dit avec force en bravant l'interdiction qui frappe toute manifestation de rue, à Alger, depuis le mémorable 14 juin 2001. Ils ont montré également qu'ils ne sont pas aussi monstrueux qu'on voudrait le faire croire. Il n'y a pas eu de casse, ni de vol ni de dépassement. Soulignons que la manifestation a été réellement pacifique, sans aucun débordement ! Ghaza a eu enfin droit à la marche qu'elle mérite. Seulement, pourquoi les pouvoirs publics n'ont-ils pas laissé la société civile organiser une telle manifestation ? Que craignaient-ils en réalité ? Que les mots d'ordre des manifestants débordent sur les questions nationales ? Il a fallu en tout cas qu'ils soient totalement assaillis par les jeunes déferlant des mosquées d'Alger vers les places du 1er Mai et des Martyrs pour qu'ils cèdent sur la sacro-sainte interdiction qui verrouille toute expression de rue dans la capitale. La boucherie israélienne contre le peuple et les enfants de Ghaza a meurtri tous les Algériens et peu importe donc l'endroit où ils s'organisent pour manifester leur soutien et leur colère. Il faut bien admettre qu'aujourd'hui, avec la fermeture à l'expression libre de tous les espaces publics, les seuls lieux encore ouverts et accessibles aux jeunes sont la mosquée et le stade. La société civile a été mise au pas et anéantie par toutes sortes de manœuvres et de pressions qu'elle ne sert plus de catalyseur à la mobilisation citoyenne. Il n'est pas faux de penser qu'une telle régression est porteuse de risques en cela que la jeunesse algérienne serait moins sensible aux appels citoyens qu'aux discours religieux. Sinon comment peut-on expliquer l'intrusion, hier, lors de la manifestation d'Alger, de certains slogans extrémistes portant la marque de fabrique du parti dissous, le FIS. Si on en est là aujourd'hui, c'est parce qu'en face, c'est le vide sidéral. Un vide créé par la tentation totalitaire d'un pouvoir qui aura joué ses dernières cartes de crédibilité en empêchant les marches de solidarité avec Ghaza puis en essayant de les récupérer, vainement. Nous avons vu dernièrement comment le meeting tenu par les formations de l'Alliance présidentielle et le Parti des travailleurs a tourné au ridicule. Pour autant d'organisateurs, l'on s'attendait à la foule des grands jours. Rien. Les Algérois ont préféré organiser eux-mêmes leur propre marche, non sans dénoncer la chape de plomb qui leste les libertés publiques dans notre pays. La solidarité avec Ghaza en valait bien la peine !