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Sécurité, stabilité et développement ! Vraiment ?
Publié dans El Watan le 27 - 06 - 2018

L'Algérie est ciblée. C'est Ahmed Ouyahia qui l'a dit, devant le conseil national du RND. Mais dans le même temps, il se satisfait du bilan de Bouteflika, au lieu de s'inquiéter que nous nous retrouvions sous des tirs croisés du fait de ses orientations.
Une fois encore, il faut réveiller la peur pour justifier un appel en faveur de n'importe quelle initiative que pourrait prendre le Président, en espérant y trouver sinon un tremplin au moins une protection pour ses ambitions. Au lieu d'aider les Algériens à prendre la mesure des menaces internationales et comprendre leur nature, on cherche à les orienter dans le sens le plus utile aux manœuvres d'appareils. De la politique politicienne au moment où le monde est confronté à des enjeux géostratégiques colossaux ! Mais il est dans l'essence du pouvoir de profiter des problèmes plutôt que d'y remédier.
Et c'est parce qu'il réduit les défis internationaux à des intérêts égoïstes qu'Ouyahia ne nous dit pas que l'Algérie n'est pas le seul pays au monde à être confronté à des ingérences. L'Algérie serait-elle plus menacée que la Palestine qu'Israël et Trump voudraient voir disparaître? Est-ce que l'Algérie fait partie des 63 pays soumis à des sanctions américaines, certains depuis des décennies, comme Cuba ? Est-ce que l'Algérie subirait l'agression d'une coalition armée qui occuperait une partie de son territoire, comme la Syrie ? Est-ce que l'Algérie a été menacée d'être rasée comme la Corée du Nord ? Est-ce que la guerre commerciale que se livrent le Chine, l'Union européenne et les USA n'est pas d'une bien plus grande ampleur et porteuse de conséquences plus dévastatrices pour l'économie mondiale que celle dans laquelle nous sommes engagés ? En vérité tous les pays sont bousculés par des changements à l'échelle de la planète, qu'ils soient climatique, démographique, sanitaire, économique, politique ou géostratégique.
Cette manière de regarder le monde par le petit bout de la lorgnette prêterait à sourire si le sujet ne concernait pas l'avenir de l'Etat et de la nation algériens. Selon toute vraisemblance, l'arrivée de Trump à la Maison-Blanche ouvre une nouvelle page de l'histoire, avec un hégémonisme américain plus prononcé, mais cette perspective ne retient pas l'attention d'Ouyahia. Face à l'injustice du monde, face à l'incertitude et à l'instabilité à nos frontières invoquées à raison, il appelle à un 5e mandat pour Bouteflika. Un homme d'Etat aurait convoqué l'union et l'audace. Lui jette le doute sur les voix critiques, parle de collusion avec l'étranger, abuse d'une rhétorique conflictuelle, là où il faudrait rassembler.
L'Algérie subissait aussi des pressions internationales par le passé, mais elle y répondait par des initiatives ayant un impact sur le monde. N'était-ce pas le cas quand un pouvoir contesté, parce qu'issu d'un coup d'Etat, nationalisait son pétrole ? N'était-ce pas le cas quand l'Algérie décidait d'arrêter le processus de cession du pouvoir au parti des assassins, alors qu'en même temps elle négociait un plan d'ajustement structurel et recevait des injonctions économiques et politiques ? Mais à l'époque, le pouvoir mobilisait les Algériens, là où Bouteflika s'est occupé à les démobiliser et à réprimer leurs aspirations démocratiques. Et c'est ce que poursuit Ouyahia en niant le rôle de la société dans la résistance au terrorisme islamiste pour n'évoquer que les sacrifices consentis par l'ANP et la politique de réconciliation mise en œuvre par le Président.
En invoquant la fidélité à des principes de politique étrangère en ce qui concerne le Sahara Occidental et la Palestine, Ouyahia voudrait faire intérioriser l'idée que Boumédiène et Bouteflika c'est la même chose, alors que le second remet en cause ce que le premier a fait. Quand l'un confiait à des bureaux d'études américains le soin de préparer la nationalisation des hydrocarbures, l'autre s'en remet à ces mêmes cabinets pour ouvrir le secteur au marché, quand l'un appelait à un nouvel ordre économique mondial, l'autre œuvre à intégrer celui existant. Oui, il faut des changements à notre politique étrangère, mais pas dans le sens d'un abandon et des reculs inédits, formellement présentés comme des pas de côté, à la Ligue arabe ou face à la nouvelle bousculade impérialiste en Afrique.
La continuité dans le style et la pratique diplomatique (promotion du non-alignement, stigmatisation de l'ingérence, zone d'influence) masque en vérité une rupture sur le plan de la vision. L'Algérie de Bouteflika et d'Ouyahia ne cherche pas à s'extraire du monde dominé par le capital financiarisé, elle ambitionne d'y avoir une meilleure place et le statut de pays émergent. L'objectif n'est pas condamnable en soi, il est défensif et pas à la mesure de ce qu'a été la politique étrangère de l'Algérie, née dans le feu de la lutte de libération nationale et des coups portés aux empires coloniaux. L'Algérie qui a été la Mecque des révolutionnaires devrait plutôt se fixer comme but de devenir la Mecque des partisans de la démocratie, y compris dans les relations internationales.
Au final, par un de ces effets de brouillage dont le système est coutumier, Ouyahia éclipse le bien-fondé de sa mise en garde contre les risques extérieurs. Car son catalogue de menaces reflète une réalité à laquelle il n'apporte pas d'autre réponse que de poursuivre sur la ligne qui nous a mis devant des périls. Il nous propose de rester enfermés dans le huis clos national. Au plan économique sa critique des effets de la crise mondiale du néolibéralisme et son recours à la planche à billets le cantonnent à une sortie du néolibéralisme adossé à la rente par une voie national-libérale, qui couvre l'amnistie des forces de l'argent sale, après celle des égorgeurs islamistes. Mais comment peut-il espérer plus de patriotisme de la part de certains opérateurs économiques alors que l'on voit les entreprises du monde entier obtempérer face aux sanctions américaines ?
Il est difficile de céder à l'illusion que les privés algériens seront plus patriotes que les privés français ou allemands. Ils chercheront, comme eux, leur seul intérêt. Et ne le verront-ils pas dans la fuite des capitaux si l'Algérie ne leur garantissait pas de meilleurs profits et leur transfert? En vérité, face aux méfaits de la mondialisation néolibérale que poursuit Trump derrière son slogan America first, la solution n'est pas dans le repli mais dans la régulation, aussi bien au plan national qu'au plan international.
Trump en a d'ailleurs si bien conscience qu'il se propose d'attaquer l'OPEP à cause de son rôle de régulateur du marché pétrolier, dans le même moment où les Etats-Unis quittent la commission des droits de l'homme de l'ONU parce qu'elle condamnerait Israël trop souvent. Le seul droit qui devrait prévaloir, en tout domaine, étant finalement le droit du plus fort, en l'occurrence le droit américain.
«En préférant le partenariat aux investissements directs étrangers», Ouyahia souligne que quelle que soit la forme qu'elle prend, l'obsession d'intégrer l'Algérie dans la mondialisation néolibérale reste finalement la seule constante. Il le réitère en parlant de l'Accord d'association avec l'Union européenne, dont il ne s'agit pas de contester l'objectif du libre-échange, mais d'en aménager le rythme. N'étant pas à une contradiction près en matière de souveraineté, Ouyahia voudrait être aussi le meilleur agent de l'internationalisation du capital algérien, quitte à passer par les pieds-noirs. Ne faudrait-il pas plutôt une réorientation complète du modèle économique ? Un modèle fondé sur la diversification de notre économie, certes, mais au profit de la société et non pas des exportateurs après les importateurs. Un modèle fondé sur la coopération et non pas sur la compétition de chacun contre tous ? Un modèle qui serait en rupture avec celui dont les Etats-Unis sont les promoteurs universels.
Ce national-libéralisme au plan économique est naturellement la porte ouverte à un national-conservatisme, à un repli identitaire et parfois même à des dérives pitoyables. C'est pourquoi Ouyahia n'a pas besoin d'accuser les ONG de le traiter de raciste, il le fait très bien lui-même. N'est-ce pas lui qui, pour justifier le renvoi de migrants, disait : «Oui je suis raciste si je suis contre la clochardisation de nos villes», tout en feignant ignorer que si nous construisons toujours plus de logements nous avons été incapables de construire des villes ? Mais il n'y a là rien d'extraordinaire en matière d'arrogance.
Ouyahia n'est qu'un des nombreux interprètes du souverainisme mis en œuvre par Bouteflika, avec cette assurance de ne pas être contredits tant ils monopolisent la parole. Nous en avons pourtant connu d'autres qui, au moins, assumaient leur étiquette islamo-conservatrice.
Le pouvoir veut ainsi masquer la perte de souveraineté économique et politique par la réaffirmation autoritaire d'un identité figée, concevant la nation comme le lieu d'une réaction défensive au lieu d'en faire un outil de combat pour un monde démocratique et le siège de l'émancipation de la société. Ouyahia souligne combien le pouvoir n'arrive pas à concevoir qu'un Etat souverain c'est celui qui assure la participation de son peuple non seulement au gouvernement de son pays, mais au gouvernement du monde dont l'impact est décisif sur le vécu de chacun.
Il y a, quoi qu'en pense le pouvoir, des passages par l'internationalisme qui peuvent être féconds pour le national, comme il y a des interventions au plan national qui peuvent être salvatrices au niveau international. Mais pour cela, il faudrait renouer avec une forme d'internationalisme qui ne saute pas par dessus le fait national, lui-même devant être démocratique, et qui, au contraire, en constitue le prolongement au niveau mondial.
Un internationalisme qui s'oppose à la globalisation néolibérale qui sert de substrat à l'unilatéralisme américain. Il ne s'agit pas, en effet, de s'adapter aux actuelles conditions mondiales, mais de les remettre en cause. Et c'est le rôle d'un internationalisme actif, vigilant, soucieux de démocratie que d'exprimer toujours plus la solidarité entre les peuples.
Malheureusement, le pouvoir n'en prend pas le chemin. Tout porte à croire qu'Ouyahia se conçoit comme un Poutine ou un Erdogan et voudrait susciter une poussée populiste pour faire barrage aux aspirations citoyennes et démocratiques.
Il est prêt à réaffirmer une identité nationale enfermée dans le passé et la religion au lieu de se tourner résolument vers l'avenir et séparer le politique du religieux. La seule différence c'est qu'il ne donne pas à l'Algérie les moyens objectifs d'une telle fantaisie, car la Russie comme la Turquie sont bel et bien deux Etats laïcs et industrialisés, même si leurs industries ne sont pas de tout premier rang. Par ailleurs, Poutine et Erdogan bénéficient d'une légitimité des urnes qui ne prête pas autant à caution que celle du pouvoir algérien.
Ni le RND ni le FLN ne constituent des appareils de mobilisation de la société, ils ne font qu'entretenir des clientèles, ce qui n'est le cas ni de l'AKP ni de Russie unie, qui servent de relais efficaces en direction des sociétés turque et russe, comme en attestent les dernières élections présidentielles dans ces deux pays.
C'est ce problème que devra résoudre le pouvoir avant la présidentielle de 2019. Et on voit bien qu'il hante monsieur Ouyahia, qui évoque une «œuvre à parachever» ainsi qu'«un engagement pour la continuité». Autant dire que le changement ne pourra venir que d'un accroissement de la mobilisation citoyenne.
Celle-ci n'a pas disparu, il semble que contrairement à ce que déclare Ahmed Ouyahia notre peuple n'est pas «satisfait des progrès accomplis sur la voie de la stabilité et de la reconstruction nationale». Alger, le 24 juin 2018
Par Yacine Teguia
Membre du bureau national du MDS


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