L'Union européenne a pu arracher un accord auprès de Moscou et Kiev pour le déploiement d'observateurs chargés de surveiller les acheminements de gaz russe transitant par le territoire européen. Cet accord est né au forceps, après plusieurs jours d'intenses et difficiles tractations diplomatiques menées surtout par le Premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, président en exercice de l'UE. La Russie, plus ferme et intransigeante que jamais, avait conditionné la reprise des livraisons de gaz à l'Europe par la mise en place effective du mécanisme de contrôle du transit via l'Ukraine. Faute de quoi le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, menaçait de réduire ces livraisons « si elle constate à nouveau des vols de gaz ». Kiev était réticente à l'idée de signer le protocole proposé par la Russie, insistant sur la surveillance trilatérale des livraisons pour empêcher de « donner à la partie russe le contrôle total sur le système ukrainien de gazoducs ». C'est dire qu'un jeu de haute voltige était au menu du Premier ministre tchèque qui tentait, au nom de l'UE, de désamorcer une situation rocambolesque qui dure depuis maintenant plusieurs jours. Cette situation, faut-il le rappeler, a fortement affecté les pays d'Europe de l'Est et centrale, voire de l'Ouest, à l'instar de la France et de l'Italie. La Russie avait justifié l'arrêt de ses livraisons de gaz vers ses clients européens par les « vols » dont Kiev se serait rendue coupable. Le travail des équipes d'observateurs européens, russes et ukrainiens, comprenant 25 experts de chaque côté, était hier retardé par Moscou qui réclamait une copie de l'accord signé par Kiev. Le porte-parole de Gazprom, Sergueï Kouprianov, a déclaré hier que la compagnie russe « n'a pas reçu par les canaux officiels l'accord de surveillance (du transit gazier) signé par toutes les parties, ce qui retarde notre travail ». Résultat : les Européens étaient toujours dans l'attente de la reprise des livraisons de gaz russe. Gazprom n'a pas non plus précisé la date de la reprise de ses acheminements gaziers. Ainsi, Moscou donnait l'impression de jouer les trouble-fêtes après que toutes les conditions aient été réunies pour solutionner la crise. Une chose est sûre : pour les Européens, la Russie a beau accabler Kiev dans cette crise, son image de partenaire stable de l'Europe a été sérieusement écornée aux yeux de ses clients du vieux continent. Les pays de l'UE doivent tenir aujourd'hui une réunion ministérielle extraordinaire sur la crise gazière. Les ministres européens chargés de l'Energie devraient étudier toutes les solutions possibles pour une diversification de leurs fournisseurs et réduire ainsi la dépendance de l'UE envers le gaz russe. Celui-ci représente 25% de la consommation européenne, dont 80% transite par des gazoducs ukrainiens. Avec cette deuxième alerte perçue sous l'angle d'un « chantage russe », les Européens semblent plus que jamais décidés à se doter d'une politique énergétique commune.