La situation intérieure en République islamique d'Iran connaît, avec beaucoup de marasmes économiques signalés en toile de fond, des évolutions politiques et sociétales extraordinaires ces dernières semaines. Des vagues successives de contestations du pouvoir hégémonique du clergé chiite des ayatollahs et mollahs en place s'y sont donc déroulées, de façon extrêmement coordonnée, à travers l'ensemble du territoire de l'antique Perse, civilisation plurimillénaire. Toutes les agglomérations et établissements humains sont effectivement concernés, les grandes villes, les villes moyennes et villages urbains et ruraux. Du coup, la géopolitique de toute la région proche et moyen-orientale s'emballe. L'ingérence extérieure aussi. Notamment avec le revirement spectaculaire et sans état d'âme des puissances occidentales pour la plupart à la traîne des Etats-Unis. Washington toujours paré de sa puissante osmose avec les divers lobbys sionistes sous la férule grandement influente de leur cœur agissant, l'Aipac, organisation entièrement vouée et aux ordres des politiques intérieure et extérieure d'Israël, mène en effet la convergence de nouvelles, et pas si surprenantes solidarités, exprimées de façon plus ou moins concrète avec un certain suivi d'effets balbutiants bienvenus, par et pour la très résiliente résistance nationale iranienne des moudjahidine «Khalq», ou du peuple de Maryam Radjavi. Les desseins de Tel-Aviv et ses protecteurs de Washington visant à reconfigurer la région selon leur projection d'un grand Moyen-Orient, GMO, «pacifié» selon leurs normes et diktats de soumission des peuples et des Etats à leur leadership sans concurrence, ni adversité, se redéployent afin de remonter le terrain perdu ces derniers mois en Syrie. L'occasion d'un recentrage de la question de légitimité politique posée en Iran, et dans laquelle le mouvement populaire de résistance national des moudjahidine du peuple, fondé le 20 juin 1981 par Massoud Radjavi, joue un rôle prépondérant, se préfigure. Les arguments seraient le côté «impérialisme musulman chiite» de l'Iran actuel qui pollue la scène internationale. Sauf que cet impérialisme musulman chiite a dans la même région, voire au-delà, son pendant sunnite du côté du totalitarisme saoudien. Sans parler des contradictions dont se nourrissent les analystes qui avancent ce genre d'arguments en disant aussi que la réalité du problème interne de la société iranienne n'est pas de nature religieuse. Du genre opposition sunnites contre chiites. Ni du genre camp pro-occidental contre le camp non-aligné qui s'y refuse et conteste l'hégémonie imposée par les premiers sur les seconds. Or la problématique de la résistance iranienne est d'essence locale. Strictement nationale, comme le désirent ses partisans et sympathisants. C'est ce qui s'est vu et a été constaté le week-end écoulé lors du meeting annuel organisé à Villepinte, en Île-de-France, dans la région parisienne par le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI). Meeting du samedi 30 juin écoulé monté en spectaculaire show politique et artistique ouvert par un long discours de Mme Radjavi sur l'état de la résistance et les prometteuses perspectives escomptées. Importante prise de parole où elle a réaffirmé la ligne indépendante de son mouvement comme caractéristique indiscutable, tout en soulignant qu'elle ne se fait aucune illusion sur les capacités du régime en place à Téhéran à imaginer des solutions. «Ils n'en ont pas, et ne peuvent ni ne veulent régler les problèmes» dont ils sont bien évidemment pour elle la cause. «Nous voulons le transfert de la souveraineté au peuple iranien par une assemblée constituante qui doit rédiger dans un délai de deux ans la nouvelle Constitution de la République et la soumettre au vote populaire», a-t-elle souligné. Dans cet ordre des choses, elle a donc précisé sa pensée en indiquant que cela suppose «séparation de la religion et de l'Etat», «égalité des femmes et des hommes», «libertés d'expression, d'association, de syndicats» et que chacun et chacune «soient libres de porter les vêtements de son choix». «L'autonomie du Kurdistan est planifiée par la même occasion», dira-t-elle encore. Faisant par ailleurs écho aux nouvelles attentes occidentales pour qui l'Iran des mollahs est maintenant le nouvel ennemi privilégié, «source de tous les malheurs de la planète et du genre humain», elle rappelle que le peuple iranien s'oppose et se soulève «pour la liberté et la rupture d'avec le régime de Khomeyni et le fascisme religieux». «La sauvegarde du régime, ajoute-t-elle, n'a plus de sectateurs parce que les mollahs ont perdu la complaisance de l'administration américaine.» Un point qui va être appuyé comme un clou à enfoncer sans relâche, ni répit, par de nombreux orateurs nord-américains, et non des moindres, qui prendront la parole à sa suite. Dont plusieurs anciens parlementaires et responsables de l'administration américaine, parmi lesquels l'ancien maire de New York, Rudy Giuliani, le général William Casey et quelques dignitaires sécuritaires de la cia et du fbi. Etaient présentes également à la rencontre de Villepinte cette année 2018 autant de personnalités de haut rang britanniques, françaises, canadiennes, etc.. L'épouse de l'ancien leader Massoud Radjavi disparu et son mouvement de résistance (lancé le 20 juin 1981 par celui-ci) ont donc réussi à desserrer l'étau international dans lequel ils s'étaient retrouvés enfermés et estampillés comme «organisation terroriste» des années durant, du fait de la complaisance et la passivité manifestes des puissances impérialistes occidentales à l'endroit de la dictature religieuse instaurée en 1979 envers et contre tous ses co-coalisés contre la dictature du shah par l'imam Rohalla Khomeyni. Parmi les très importants signaux recensés et qui valident, selon elle, son optimisme comme celui de l'ensemble de ses compagnons de lutte en le renversement à terme du régime, il y a, dit-elle, «la connexion des manifestants réprimés en colère et la résistance qui se tient à leurs côtés dans l'épreuve et les malheurs qui en découlent». Comment est advenu ce revirement remarquable ? Tout simplement en raison de l'implantation des partisans du mouvement et de leur formidable maillage de tout le territoire iranien et qui se sont ainsi bien connectés aux préoccupations des forces populaires iraniennes, jeunesse, femmes, étudiants et syndicalistes occultes du monde du travail. Canalisant à la longue, et désormais avec quelques succès, le ras-le-bol populaire grandissant et les récurrentes manifestations de contestation de l'ordre religieux établi, le mouvement des moudjahidine du peuple a bel et bien prouvé ses capacités politiques et organisationnelles de force d'opposition réelle et dominante. Un résultat qui vaut d'être souligné compte tenu des moyens et capacités multiformes adverses, soit une machinerie de répression sophistiquée vigilante et constamment sur ses gardes. Le meeting de Villepinte fut précédé, la veille vendredi, par une conférence d'experts et observateurs internationaux à l'hôtel Hyatt Régency de Roissy, juste limitrophe, dont l'ancien Premier ministre algérien, Sid Ahmed Ghozali, soutien de la résistance iranienne depuis de très nombreuses années, a tenu à tempérer les ardeurs des Occidentaux, «ralliés» à la cause depuis peu. Sid Ahmed Ghozali a souligné que le changement de régime, poursuivi par les uns et les autres, ne devrait en aucun cas déboucher sur le chaos, et qu'il revenait au mouvement de la résistance d'anticiper l'événement par et pour la mise en place de structures transitoires le moment venu afin de le gérer au mieux, le plus pacifiquement possible et avec le moins de heurts, dans l'intérêt de l'Iran et de ses populations plurielles, ethniquement et culturellement. Pour leur part, les intervenants occidentaux, nord-américains tout particulièrement, ont souligné «leur unité de pensée» et «convergence de vues» sur la suite des événements «favorables», disent-ils de façon unanime, au renversement «du régime autocratique iranien», jetant à profusion louanges et fleurs au président actuel des Etats-Unis, Donald Trump, pour «sa clairvoyance politique, sa volonté inébranlable et son courage» dans le dossier iranien. Certains ont même fustigé copieusement et sans retenue l'administration précédente de Barack Hussein Obama. Les vieilles habitudes de fabrication des idoles et de présidentiables ont également jailli à l'occasion par l'entremise de «revenants» du fbi et de la cia qui ont assuré qu'un visa d'entrée aux Etats-Unis en faveur de Maryam Radjavi relevait désormais de la formalité de routine simplifiée, en l'encourageant (droit d'ingérence oblige) à devenir la future présidente de la République d'Iran. Tout simplement cela va de soi, selon leur logique de décideurs plurinationaux. Dès que Mme Radjavi se sera rendue aux Etats-Unis, le soutien multiforme de ces derniers à la résistance à la théocratie de Téhéran s'en trouvera extraordinairement amplifié et bien coordonné, disent-ils. «Après la Pologne, le Mur de Berlin, et la chute de l'Union soviétique, ce sera bientôt le tour de la dictature iranienne de sombrer», se sont-ils exclamés presque à l'unisson. Peu après d'aussi tonitruantes déclarations de foi en solidarité avec le peuple iranien et ses résistants, hier encore ignorés, voire fustigés, Maryam Radjavi a tenu à reprendre la parole afin de remercier pour leurs soudaines sollicitudes les imposantes délégations occidentales, 57 Britanniques, 37 Américains, 30 Canadiens environ et quelques Français parmi lesquels Yves Bonnet, ancien patron de la direction de la surveillance du territoire, Rama Yade et Bernard Kouchner, ministres dans l'ancien gouvernement de Nicolas Sarkozy. «Merci de tout coeur à toutes et tous», leur dira-t-elle avant de réaffirmer avec force, comme une sorte de bémol : «La victoire sur la dictature ne peut se faire que grâce au peuple iranien et sa résistance nationale.» Le show dans l'immense salle de Villepinte, suivi par des liaisons vidéos sur les réseaux sociaux en Iran même par les sympathisants de la résistance, et à l'étranger par la diaspora iranienne, s'est clos le lendemain, 1er juillet, par une réunion spécifique réservée aux soutiens provenant des pays arabes dans l'enceinte de l'hôtel Novotel de Roissy toujours. Le rendez-vous 2018 de la résistance nationale iranienne s'est donc tenu dans une conjoncture toute autre que les précédentes. Avec la volte-face des puissances occidentales suite et en raison des capacités prouvées en termes d'action et de mobilisation des Iraniennes et des Iraniens, par le mouvement de résistance mené par les moudjahidine du peuple autour du mot d'ordre de renversement du régime et de sa dictature religieuse. Toutefois, cette volte-face occidentale est loin d'être neutre. A défaut de pouvoir s'impliquer par des actes d'ingérence directe avec forces spéciales et forces et milices locales et extérieures, «djihadistes» sous vocable d'islamisme modéré comme en Libye, puis surtout en Syrie pour renverser des pouvoirs, certes contestables, mais absolument légitimes. Tout semble donc indiquer que les impérialistes occidentaux préfèrent prendre le train en marche comme on dit, et prendre en même temps en charge (ou en otage) la résistance du peuple iranien et de son porte-voix et animateur, le CNRI, sous le visage faussement désintéressé du soutien (tardif !) à une cause juste à plusieurs titres. Si Mme Radjavi et ses camarades ne peuvent et ne font pas la fine bouche devant ce retour d'empathie inespéré il y a peu, ils ne doivent certainement pas mésestimer les enjeux nouveaux qui en découlent. L'indépendance dans la démarche, comme l'autonomie de choix et de jugement de la résistance sont dès lors des lignes à préserver pour éviter toute désillusion ultérieure, une fois l'objectif premier — le renversement du système religieux et dictatorial — atteint. Par Krimo Hamada (correspondance particulière)