Le désormais ex-directeur régional des Douanes algériennes de Annaba, Hamel Belkheir, le chef d'inspection divisionnaire par intérim, cinq inspecteurs, le chef de la brigade mobile et huit agents, dont deux femmes, comparaîtront, aujourd'hui, devant le procureur de la République près le tribunal de Annaba. D'autres témoins à charge et à décharge font également partie des personnes citées. Selon des sources judiciaires, les mis en cause sont poursuivis, chacun en ce qui le concerne, dans deux affaires de «trafic de conteneurs de produits contrefaits» et «transfert illicite de devises vers l'étranger». Mieux, selon les conclusions de l'enquête, les dénominateurs communs de ces deux affaires sont l'importateur, le transitaire, le déclarant et l'inspecteur des Douanes qui n'ont pas été inquiétés jusqu'au déclenchement du deuxième scandale. Une fois l'enquête de la gendarmerie entamée, tous les prévenus ont été sommés de ne pas quitter le territoire national. La première affaire concerne cinq conteneurs dont la marchandise déclarée – des chaises roulantes pour handicapés – a été bloquée au niveau du port de Annaba. Le montant déclaré pour cette opération d'importation est de plus d'un million d'euros. «C'est suite à une opération de contrôle que cette mesure a été prise à l'encontre de cet importateur, présumé auteur de fausses déclarations sur la valeur de la marchandise. C'est bien évidemment un transfert illicite de devises», expliquent des sources douanières. Selon des transitaires sur place, «la marchandise importée ne vaut en aucun cas le montant déclaré de plus d'un million d'euros». Quant à la seconde affaire, qui a déclenché l'enquête, elle a trait à une tentative d'inonder le marché algérien d'articles sportifs contrefaits. Tout a commencé en janvier 2018, lorsqu'un jeune douanier, Réda Bouchouicha, relevant de la brigade mobile de contrôle au port de Annaba, a entamé une grève de la faim illimitée après avoir été suspendu par sa hiérarchie, à la demande de son directeur régional, Belkheir Hamel. Selon sa version, au lieu d'être primé pour avoir empêché un important trafic de conteneurs dont au moins un était bourré de chaussures sportives contrefaites, il avait été suspendu puis réintégré, avant d'être muté hors du port de Annaba. Saisies, la direction générale des Douanes algériennes et la Gendarmerie nationale ont immédiatement entamé chacune son enquête. Confirmant les dépassements, la première a procédé à une purge dans les rangs de ses inspecteurs et agents, en évaluant le préjudice à quatre milliards de dinars. La seconde, quant à elle, a entamé ses investigations en profondeur pour remonter la filière. De fil en aiguille, ce dossier a pris une dimension inattendue. Pis, selon des responsables douaniers cités par l'APS, il s'est avéré que plusieurs importateurs impliqués dans ce trafic de conteneurs sont blacklistés par les Douanes algériennes. Afin de contourner cette interdiction, une collusion s'est formée entre ces importateurs et des transitaires à travers des complicités à Annaba et Alger. Une manœuvre par laquelle ces commissionnaires ont enregistré cinq opérateurs économiques inscrits sur le fichier des fraudeurs comme étant des organismes spécifiques (associations, corps diplomatique…) que le règlement de procédure douanière, en cas d'importation, dispense d'avoir un numéro d'identification fiscal (NIF) ; ils sont assujettis à une autre procédure spécifique appelée «D9». Mais un contrôle croisé des banques avec le système Sigad a permis de lancer l'alerte et de débusquer ces actes délictueux, expliquent les mêmes responsables. Ces complicités ont été confirmées par les enquêteurs de la Gendarmerie nationale de Annaba qui, en remontant la filière, sont arrivés jusqu'au directeur régional des Douanes algériennes. Force est de souligner que le traitement de cette affaire n'était pas une sinécure, sachant que l'ex-directeur régional des Douanes algériennes de Annaba est le frère du DGSN. Contacté précédemment à travers le chargé de communication de la direction régionale des Douanes de Annaba, Hamel Belkheir nous avait répondu avec nervosité : «Je suis victime d'un complot !»