Cette guerre, peut-être plus que les précédentes, expose le véritable esprit de fond de la société israélienne. Les Israéliens se nourrissent du racisme et de la haine, comme le montrent leur pulsion pour la vengeance et leur soif de sang. Ainsi que le décrivent les correspondants militaires à la télévision, « l'inclination du commandant » dans les forces de défense d'Israël est à présent « de tuer autant de personnes que possible ». Et même si référence est faite aux combattants du Hamas, cette inclination fait toujours froid dans le dos. L'agression et la brutalité débridées sont justifiées comme un « exercice d'avertissement » : le prix effrayant du sang – environ 100 Palestiniens pour chaque Israélien tué – ne soulève aucune question, comme si nous avions décidé que leur sang valait cent fois moins que le nôtre, signe de reconnaissance de notre racisme inhérent. La droite, les nationalistes, les chauvins et les militaristes sont les seuls à pouvoir légitimement donner le ton. Ne nous bassinez pas avec l'humanité et la compassion ! Ce n'est qu'en périphérie qu'une voix de protestation – illégitime, ostracisée et ignorée par la couverture médiatique – peut se faire entendre de la part d'un petit groupe courageux de Juifs et d'Arabes. A côté de tout cela, une autre voix se fait entendre, celle des « justes » et des hypocrites. Mon collègue Ari Shavit semble être leur porte-parole éloquent. Cette semaine, Shavit a écrit dans ce journal : « Israel must double, triple, quadruple its medical aid to Gaza » (Israël doit doubler, tripler, quadrupler son aide médicale à Ghaza) ; dans Haaretz du 7 janvier : « L'offensive israélienne sur Ghaza est justifiée… Seule une initiative humanitaire immédiate et généreuse prouvera que durant cette guerre brutale qui nous a été imposée, nous nous souvenons qu'il y a des êtres humains dans l'autre camp. » Pour Shavit, qui a défendu la justesse de cette guerre et a insisté qu'elle ne devait pas être perdue, son prix est immatériel, comme l'est le fait qu'il n'y a aucune victoire dans de telles guerres injustes. Et il ose, dans la même tirade, prêcher « l'humanité » ! Shavit nous souhaite-t-il de tuer et tuer et après coup installer des hôpitaux de campagne et envoyer des médicaments pour soigner les blessés ? Il sait qu'une guerre contre une population sans défense, peut-être la plus impuissante du monde, qui n'a nulle part où s'enfuir, ne peut être que cruelle et méprisable. Mais ces personnes veulent toujours s'en sortir la tête haute. Nous larguerons des bombes sur des immeubles résidentiels et ensuite nous soignerons les blessés à Ichilov (l'hôpital de Tel-Aviv) ; nous pilonnerons des refuges précaires dans les écoles de l'ONU et ensuite nous pourvoirons à la rééducation des estropiés à Beit Lewinstein. Nous tirerons et ensuite nous pleurerons, nous tuerons et ensuite nous nous lamenterons, nous abattrons des femmes et des enfants, tels des machines automatiques à tuer, et nous préserverons également notre dignité. Le problème est que cela ne fonctionne tout simplement pas de cette façon. C'est une hypocrisie et une autosatisfaction scandaleuses. Ceux qui lancent ces appels enflammés à toujours plus de violence sans prendre en considération les conséquences sont au moins plus honnêtes sur le sujet.On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. La seule « pureté » de cette guerre est « l'épuration des terroristes », c'est-à-dire semer véritablement des tragédies horribles. Ce qui se déroule à Ghaza n'est pas un désastre naturel, un tremblement de terre ou une inondation pour lesquels il serait de notre devoir et de notre droit de tendre une main secourable à ceux qui sont affectés, d'envoyer des équipes de sauvetage comme nous adorons le faire. Manque de bol, tous les désastres qui se produisent à Ghaza sont créés par l'homme – par nous-mêmes ! Les mains tachées de sang ne peuvent secourir. De la brutalité ne surgit pas la compassion.Pourtant, il y en aura qui voudront toujours le beurre et l'argent du beurre. Tuer et détruire sans distinction et également en sortir la tête haute, avec une conscience propre. Continuer avec les crimes de guerre sans le moindre sens de la lourde culpabilité qui devrait les accompagner. Il faut avoir du culot ! Quiconque justifie cette guerre justifie également tous ses crimes. Quiconque prêche pour cette guerre et croit en la justesse des massacres qu'elle inflige n'a aucun droit de parler de moralité et d'humanité. Il n'y a rien de tel que tuer et nourrir simultanément. Cette attitude est une représentation fidèle du sentiment israélien basique et dual qui nous accompagne depuis toujours : commettre le mal, mais se sentir purs à nos propres yeux. Tuer, démolir, affamer, emprisonner et humilier – et être dans notre droit, pour ne pas dire des « justes ». Les va-t-en-guerre « justes » ne pourront pas se permettre ce luxe. Quiconque justifie cette guerre justifie également tous ses crimes. Quiconque la considère comme une guerre défensive doit porter la responsabilité morale de ses conséquences. Quiconque encourage aujourd'hui les politiciens et l'armée à la poursuivre devra aussi porter la marque de Caïn qui sera gravée sur son front après la guerre. Tous ceux qui soutiennent cette guerre soutiennent aussi l'horreur. La contribution est parue dans Haaretz du 9 janvier 2009