Les chaleurs caniculaires qu'ont connues plusieurs wilayas du sud du pays a mis en avant la nécessité pour les éleveurs de souscrire des polices d'assurance auxquelles ils sont réticents. Les professionnels appellent les autorités à trouver une solution pour protéger le potentiel animalier que recèlent ces régions et qui représente pour les camelins 70% de la production nationale, les ovins 25 à 30% et les caprins 15%. Les chaleurs caniculaires enregistrées ces derniers jours dans les régions sud du pays ont remis sur le tapis la question de l'assurance du cheptel par les éleveurs, qui restent très réticents à une telle police. Djillali Azzaoui, président de la FNE (Fédération nationale des éleveurs), se demande comment les autorités demandent aux éleveurs de souscrire une police d'assurance alors qu'elles savent très bien qu'il s'agit de gens qui font dans la transhumance. «Il faut beaucoup d'efforts pour sensibiliser les gens auxquels il faut avant tout accéder. En tant que fédération, nous avions demandé à la Cnma (Caisse nationale de mutualité agricole) de prendre un échantillon d'une dizaine d'éleveurs de chèvres et de chameaux, leur offrir une police d'assurance pour montrer aux autres ce dont ils peuvent bénéficier en cas de catastrophe naturelle. De cette manière, on peut les aider à apprendre à protéger leurs bêtes. L'idée a été bien reçue par la caisse, peut-être que nous pourrons convaincre les éleveurs...», dit-il. M. Azzaoui reconnaît que les méthodes d'élevage sont restées assez traditionnelles et qu'il faut les moderniser pour éviter les aléas du climat, de la rareté de l'eau et de l'aliment. «Vous savez que la vulnérabilité de l'élevage de l'ovin, du camelin ou du caprin est liée à quatre facteurs : la soif, le froid, la faim et la maladie. Or, les techniques traditionnelles sont basées sur la transhumance et utilisent les points d'eau comme abreuvoir. Cette méthode reste très vulnérable et, dans beaucoup de pays, elle a été totalement abandonnée. Aujourd'hui, on privilégie les techniques modernes qui fixent le cheptel et le protègent des hausses et des baisses de température par la construction d'abris où l'eau est mise à sa disposition. Il faut aller vers des projets intégrés pour améliorer notre élevage et notre agriculture. Tout est lié et nous ne pouvons pas développer l'agriculture sans développer l'élevage. Il faut savoir que 42% de la production bovine proviennent du revenu de l'agriculture», révèle notre interlocuteur. Et d'ajouter : «Le monde pastoral est un océan où nagent des requins, ces industriels et commerçants qui gravitent autour de la profession et en profitent au détriment des éleveurs qui sont au nombre de 1,2 million.» En conclusion, M. Azzaoui exhorte les autorités et les responsables de la Cnma à «aller vers les éleveurs et les convaincre de protéger leur cheptel, estimé à 28 millions de têtes». Plus explicite, Rabah Ouled-Hadar, président de la chambre d'agriculture de Ghardaïa, et membre du Conseil national de l'agriculture chargé des dix wilayas du sud du pays, révèle que les températures caniculaires ne sont pas nouvelles pour la région. «Grâce à son système d'élevage intégré et bien protégé, Ghardaïa, par exemple, n'a pas subi de dégâts en raison de la hausse du mercure. Aujourd'hui, nous avons une sorte de micro-climat, des abris et une disponibilité de l'eau pour le cheptel. Les élevages sont intégrés à l'agriculture. Lorsqu'il y a de grandes chaleurs comme celles des derniers jours, le cheptel en transhumance remonte vers les hauts plateaux et celui sédentarisé est protégé à l'intérieur des abris», souligne M. Ouled-Hadar. Il met l'accent sur le travail de proximité avec les chambres d'agriculture et les professionnels pour sensibiliser les éleveurs sur l'importance de la modernisation de l'élevage. Il regrette qu'une bonne partie de ces derniers (éleveurs) s'opposent à tout changement du système d'élevage qui reste très vulnérable aux aléas climatiques. «Il faut encourager les gens à aller vers des pôles agro-pastoraux et créer les conditions d'élevage moderne avec des bâtiments où les normes de température, d'humidité et d'hygiène sont respectées», note notre interlocuteur, qui insiste sur la nécessité d'une identification du cheptel. «Nos éleveurs restent très réticents quand il s'agit de contracter une police d'assurance pour des raisons purement religieuses. Il faut que les autorités se penchent sur ce problème. Des campagnes de sensibilisation doivent être menées pour expliquer l'importance de se protéger des catastrophes naturelles. Il faudrait peut-être une fatwa ou envoyer des imams pour convaincre des retombées de telles assurances. Avec l'identification de notre cheptel, nous pouvons avoir le chiffre exact de notre patrimoine animalier d'abord, pour savoir si nous avons réellement 28 millions de têtes, mais aussi pour avoir une traçabilité qui permettra d'engager des actions concrètes et directes pour accompagner les éleveurs, faire l'état des lieux. Il y a aussi la question de la nourriture, l'orge subventionnée, qui coûte excessivement à l'Etat et qu'il faudrait peut-être utiliser de manière rationnelle afin d'empêcher d'autres intervenants de la détourner pour une autre utilisation. Il faut préciser qu'une identification du cheptel permet aussi d'aider à l'élaboration d'une cartographie des quatre régions du pays», affirme M. Ouled-Hadar. Nonobstant cette question de traçabilité du cheptel, ce dernier revient à chaque fois à la nécessité d'améliorer les méthodes d'élevage, seule solution, dit-il, de faire face aux conséquences des changements climatiques. Il plaide pour une agriculture intégrée avec un système hydraulique qui répond aux besoins en eau du cheptel, et une protection en dure, qui permet de sédentariser les animaux. «L'élevage camelin au Sud représente 70% du patrimoine national, celui de l'ovin constitue 25 à 30% et le caprin vient en troisième position avec 15% de la production nationale. C'est pour vous dire que le potentiel de ces régions est énorme», précise M. Ouled-Hadar.