Le fils du défunt président Mohamed Boudiaf capitalise sur le nom de son père pour se lancer dans la course à la prochaine présidentielle. Dans cet entretien, il revient sur ses motivations et son programme pour faire sortir le pays de la crise actuelle. – Vous allez vous porter candidat à la présidentielle de 2019. N'avez-vous pas peur de n'être qu'un nouveau pion dans une course à la présidentielle déjà jouée d'avance ? Pour répondre à votre question de savoir si j'ai peur «de n'être qu'un nouveau pion dans une course à la présidentielle déjà jouée d'avance», je vous répondrai par une autre question : pourquoi voulez-vous que j'aie peur ? Ai-je quelque chose à perdre ? La vie m'a appris qu'un homme qui n'a rien à perdre est un homme redoutable. Pour l'occasion, je lance un appel à tous les médias algériens pour leur rappeler qu'il est maintenant temps pour tous les journalistes algériens de définir eux-mêmes leur position sur l'avenir crucial de notre Algérie. Si la majorité des journalistes algériens est satisfaite de ce qui se passe en Algérie comme situation tragi-comique de jouer avec la photo/cadre d'un homme malade, si cette majorité de journalistes est contente de ce qui se passe dans le pays, pris en otage dans la gouvernance par procuration, alors je retire ma candidature. Mais laisser notre belle Algérie sombrer comme cela me semble la plus honteuse trahison aux chouhada, aux vrais moudjahidine, et plus important encore, aux futures générations. – Vous avez créé un mouvement politique pour soutenir votre candidature. Comptez-vous vous lancer définitivement dans la politique ? J'ai créé un mouvement politique appelé «L'Algérie avant tout». Un mouvement qui se veut rassembleur. Un mouvement inspiré par le projet de société proposé par Boudiaf et pour lequel il a été assassiné. C'est un projet qui veut mettre les intérêts de l'Algérie en tant que pays, peuple et nation avant les intérêts bassement matériels de personnes qui gèrent ce système qui nous gouverne depuis l'extérieur depuis 1962. Je ne me lance pas vraiment dans la politique. Je compte faire exactement comme a fait Nelson Mandela, à savoir un mandat, un seul, dont la mission sera d'appeler les Algériennes et les Algériens à se rassembler, juste pour un moment, autour de «L'Algérie avant tout», le moment de récupérer notre Algérie des mains du système installé depuis 1962 et la remettre entre les mains du peuple algérien. – Il vous faudra d'abord affronter problème de la collecte des signatures d'élus ou de citoyens. Comment pensez-vous pouvoir surmonter ce handicap ? Vous appelez la collecte des signatures «un handicap». Qui a mis ce handicap sur le chemin de la démocratie en Algérie ? Etes-vous personnellement concerné en tant que citoyen, ou bien c'est seulement un handicap pour Nacer Boudiaf ? C'est la vraie question qu'il a fallu, dans le passé, qu'il faut maintenant et qu'il faudra poser demain pour le bienfait des futures générations. Ou bien voulez-vous juste rester là à observer le système poser des handicaps pour fermer l'Algérie au changement ? La vraie question est simple : que veut le peuple ? Allez-y prenez l'initiative d'organiser un sondage d'opinion autour de la question : «Voulez-vous le changement ou le maintien du système ?» Evidemment, le changement conçu et proposé par «L'Algérie avant tout» est un changement en douceur, un changement civilisationnel, ouvert sur la diversité culturelle de notre peuple, prêt à faire face aux difficultés de remettre le pays dans le droit chemin et faire face ensemble aux défis qui se posent à notre pays sur la scène internationale. – Vous affirmez avoir un programme pour une sortie de crise. Quelles sont les solutions que vous voulez mettre en place ? Je voudrais d'abord préciser que je ne détiens pas de solution miracle, mais je vais appeler le peuple à se rassembler autour du projet Boudiaf, qui s'articule autour de plusieurs propositions, dont les plus importantes ont trait à l'adoption d'une nouvelle Constitution, par une Assemblée constituante. Je veux également réhabiliter l'Etat et restaurer son autorité. Dans le projet que je défends, je m'engage à libérer les initiatives et l'esprit d'entreprise en éliminant les verrous bureaucratiques, les tracasseries administratives et les blocages de toute nature et cela passe obligatoirement par une modernisation du fonctionnement de l'économie, par l'intégration du progrès technologique et l'amélioration de la formation des cadres et de la qualité de la gestion. Dans un autre registre, je propose de mettre en place les conditions pour une vraie relance de l'agriculture en œuvrant au règlement de la question foncière et rattacher l'agriculture et les industries agroalimentaires en les faisant dépendre d'un seul ministère pour une meilleure intégration. Je propose d'autre pistes dans mon projet, comme la création des conditions pour le développement harmonieux de l'ensemble des régions du pays ; nommer des ministres chargés des régions comme la Kabylie, le Sud et les Hauts-Plateaux. Ces ministres ne siégeront pas à Alger mais dans les wilayas les plus importantes de chacune des régions. Au plan social, je m'engage à combattre les injustices qui sont la source de la frustration des différentes couches sociales et qui ont engendré un fossé entre l'Etat et le peuple et assurer une répartition équitable des fruits du développement, en rémunérant l'effort et le travail et en éliminant toutes les formes d'enrichissement illicite et d'activités parasitaires. Instaurer le 5 Octobre comme fête de la jeunesse, journée chômée et payée. Car il faut absolument séparer le 5 Juillet comme Fête de l'indépendance, de la fête de la jeunesse. Mon projet comporte d'autres propositions aussi importantes pour permettre à l'Algérie de se relever. – Certains vous reprochent de vouloir capitaliser sur ce que représente votre père auprès des Algériens pour lancer votre candidature… Oui, le système et ses serviles servants me reprochent en fait d'être le fils de mon père. Mais ils ne veulent pas qu'on leur reproche d'avoir massacré le pays, en le ridiculisant devant le monde entier, en jouant avec la photo/cadre d'un homme malade. Laissez le peuple choisir entre moi, capitalisant le passé de mon père, et le système capitalisant la gabegie de milliards de dollars détournés, dilapidés, aux dépens du peuple. Je n'ai jamais eu honte d'être le fils de Mohamed Boudiaf. Mais le système est-il fier d'être le fils de l'indépendance confisquée ? Posez cette question au peuple et même à ceux qui servent le système et qui ont encore un brin de nationalisme dans leur cœur. – Dans le cas où vous ne parviendriez pas à satisfaire aux conditions nécessaires à votre candidature, comptez-vous soutenir un autre candidat ? Qui a mis les conditions nécessaires pour être candidat ? Est-ce le peuple ? Non. En relisant la loi, je remplis toutes les conditions. Pour les signatures, c'est au peuple de trancher. S'il ne m'accorde pas ses signatures, j'aurais fait mon devoir, celui d'avoir essayé de secouer les consciences. Le reste je le laisse à Dieu. Quant à soutenir un autre candidat, si j'échoue dans le parcours du combattant à remplir les conditions, je ne soutiendrai aucun candidat et la raison est simple : ce n'est pas une question de personne, c'est une question de projet de société. Avez-vous eu connaissance d'un projet de société meilleur que celui proposé par Boudiaf et pour lequel il a été assassiné ? – Le président Bouteflika devrait se représenter pour un 5e mandat. Comment jugez-vous cette nouvelle candidature ? Je réponds à cette question par une autre : est-ce la candidature de Bouteflika ? Est-ce la candidature de la photo/cadre qui défile dans les rues d'Alger ? Est-ce la candidature du système sangsue qui n'a pas fini de sucer le sang du peuple ? De quelle candidature sommes-nous en train de parler ? Pour clore cette question, je dis ceci : demandez au Président de venir devant le Parlement et de tenir un discours pour demander un 5e mandat ; laissez, de ce fait, le peuple algérien apprécier si un tel homme est capable sérieusement de gérer un pays comme l'Algérie. – L'Algérie est secouée par une vaste affaire de corruption après l'arrestation de Kamel Chikhi. Comment jugez-vous cette affaire ? L'affaire de la cocaïne n'est qu'une affaire que le système a bien voulu étaler devant le peuple et devant le monde. Le nombre des affaires de ce genre qu'il cache encore est absolument ahurissant. Rappeler aussi les affaires de mœurs, des maires qui s'adonnent à des ébats, les affaires de corruption relatives à Sonatrach, etc. C'est pour cela qu'il nous faut un changement, un sérieux changement. – Quel crédit accordez-vous à l'assassin de votre père qui affirme avoir agi seul ? Oui, le pseudo assassin de mon père, en l'occurrence Boumaarafi, m'a écrit une lettre où il tente d'expliquer un crime qu'il n'a jamais pu commettre pour la raison réelle et essentielle qu'au moment où le vrai tueur de Si Tayeb Elwatani vidait son chargeur dans le dos de mon père, le pauvre Boumaarafi était dans la salle, vêtu d'un banal costume marron, en train de se disputer un siège dans le premier rang de la salle. Témoin oculaire à l'appui.