À J-2 de la tenue du procès de l'assassinat, le 25 juin 1998, du chanteur kabyle Matoub Lounès, prévu demain, le fils du défunt président Mohamed Boudiaf, a organisé en collaboration avec la fondation Lounès-Matoub, une vente-dédicace de son dernier livre Boudiaf, l'Algérie avant tout, à Tizi Ouzou. C'est l'occasion d'une rencontre symbolique avec la fondation qui porte le nom de cet artiste, dira Nacer Boudiaf. Et d'ajouter : “Matoub, un rebelle, a été assassiné dans les mêmes conditions que mon père.” “J'espère que la justice sera faite ici en Algérie, avec la justice algérienne… sinon je vais le faire ailleurs. 19 ans après cet assassinat, l'âme de Boudiaf est présente. Les gens me disent qu'ils sont avec nous. Ils sont même prêts à lancer des comités de vérité. Et j'en profite pour rappeler aux décideurs qu'ils sont tenus de nous dire la vérité. On compte également lancer une pétition nationale pour demander la vérité sur l'assassinat de mon père.” C'est en plein Printemps arabe, comme le note l'éditeur, que Nacer Boudiaf décide de revenir sur l'assassinat de son père, président du Haut-Comité d'Etat (HCE) et de rappeler “à la jeunesse algérienne un mot d'ordre fort de ce chef historique : la rupture”. “Malheureusement ceux qui ont confisqué l'indépendance de l'Algérie (…) ont fini par plonger le pays, aux atouts pourtant très prometteurs, dans la plus sombre incertitude”. La question : “Où va l'Algérie ?”, qui est le titre d'un livre écrit par Mohamed Boudiaf en 1963, dans lequel il disait que “le silence est pour le pouvoir la meilleure couverture…” est encore à l'ordre du jour et ne trouve pas de réponse : aucun projet de société fiable ne se dessine à l'horizon. Nacer Boudiaf écrit : “Ce n'est pas l'assassinat du chef de l'Etat qui m'intéresse personnellement. Mon acharnement dans la recherche de la vérité est celui d'un enfant qui veut la vérité sur l'assassinat de son père. Une action légitime et naturelle”. Le fils ne croit pas à cette “théorie de l'acte isolé”. “Si personne n'a été sanctionné pour faute grave et négligence ayant entraîné mort d'homme, cela autoriserait la théorie du complot.” Dans ce livre, l'auteur fait une rétrospective sur la vie de son père, chef historique à l'origine du 1er Novembre 1954. Il revient sur son retour tardif et les circonstances qui l'ont propulsé à la tête de l'Etat. Le retour en Algérie de Boudiaf, l'homme de principes, l'homme intègre, avait soulevé un immense espoir chez le peuple algérien ; si la jeunesse ne le connaissait pas, elle allait découvrir le héros et la flamme à l'origine des combats libérateurs, celui qui pouvait sauver l'avenir des catastrophes programmées des usurpateurs de la mémoire et du devenir collectifs. Nacer Boudiaf nous conduit, dans ce livre, à travers les arcanes d'une tragédie récente, les dédales du pouvoir obscur, les affaires et les corruptions qui ont coûté la vie à son père, dans son effort de redressement, et qui a entraîné la perte du nouvel espoir suscité dans le peuple et la jeunesse de l'Algérie après plus de quarante années d'indépendance… L'auteur reviendra longuement sur l'assassinat de Mohamed Boudiaf et l'enquête qui a suivi, l'arrestation du sous-lieutenant Lembarek Boumaârafi et les éventuels mobiles de cet acte inqualifiable. Le rapport de la commission d'enquête est publié dans le livre, mais pas dans sa totalité puisque, selon Nacer Boudiaf, il manque une partie du rapport qui a été “censurée” à l'époque déjà. Toutefois, Boudiaf, l'Algérie avant tout !, se veut un livre “rétrospectif” sur la destinée d'un homme qui a su incarner le combat et l'espoir à maintes reprises, un homme qui a consacré et sacrifié sa vie pour son pays.