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Bedoui et la problématique de la gratuité des plages !
Publié dans El Watan le 21 - 07 - 2018

Pour les Algériens, passer une journée à la plage n'est pas forcément synonyme de détente et de loisir !
Par la force des choses, nos plages sont devenues des espaces rédhibitoires où la saleté le dispute à l'incivisme d'une jeunesse en manque de repères. Elles sont tenues par des «autoproclamés» concessionnaires qui eux-mêmes s'en remettent à des «gros bras» pour les gérer.
Les journaux n'ont de cesse de rapporter dans leurs colonnes les appels de détresse des citoyens plumés, au vu et au su de tout le monde, par ces maffieux. Des reportages ont été diffusés à la télévision pour étayer les dires des victimes sans que les auteurs aient eu à y répondre ! Ces derniers, jusqu'à la saison estivale passée, ont continué à défier les lois de la République.
Dont, notamment, cette instruction du ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, qui consacre pourtant la «gratuité des plages» !
Dans les faits, les squatters des plages assurent tirer leur «légitimité» des maires qui leur ont donné «verbalement» leur quitus pour occuper tout ou portion d'une plage, louer des parasols et des chaises. Et aussi monter, au pied levé, des aires de stationnement de voitures pour, au final, pomper l'«automobiliste estivant», forcé de payer ou de s'en retourner chez lui !
Au final, une journée de plage coûterait à une famille mille dinars, au bas mot !
Lors du lancement officiel de la saison estivale, le 1er juin dernier, Noureddine Bedoui, le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, devait faire face à deux dossiers brûlants, et c'est le moins que l'on puisse dire :
les incendies de forêt
la gratuité des plages.
Si, pour le premier, les choses semblent avoir été prises en main du côté du Palais du gouvernement, il n'en va est pas de même pour le second, dès lors que les directives adressées aux walis pour «consacrer la liberté d'accès aux plages» n'ont pas été totalement mises en œuvre, à en croire ce qui a été rapporté par le quotidien El Bilad qui affirme que le ministre a dû en dernier ressort dépêcher des inspecteurs qui ont collaboré «secrètement» avec les services de sécurité pour «libérer ces plages» de l'emprise de la maffia qui dicte sa loi aux estivants !
Depuis des années, l'accès à de nombreuses plages est devenu payant : que ce soit de façon directe à travers la demande de s'acquitter d'un droit d'entrée, ou de façon indirecte en faisant payer toute une panoplie de prestations qui conditionnent, de fait, le droit de s'installer à un emplacement. Des pratiques qui s'opposent à l'accès gratuit à la plage ! Et les écriteaux assurant que l'accès aux plages est gratuit conformément à la loi, font juste office de dé-cor !
Pour l'heure, on évoque l'éventualité d'annuler le système de concession des plages, une pratique pourtant réglementée mais qui n'a pas porté ses fruits ; un décret en fixe, pourtant, les contours comme suit : «Deux tiers de la surface d'une plage peuvent faire l'objet de concession au profit de personnes offrant des prestations de qualité, la partie restante, un (tiers) étant libre d'accès aux estivants».
Il faut savoir toutefois que depuis plusieurs décennies, les plages du monde entier sont l'enjeu de batailles entre professionnels du tourisme, riverains et associations écologistes.
En Europe, les plages à péage se multiplient; chaque Etat européen possède son propre modèle, afin d'arbitrer entre le développement touristique et la préservation du littoral et des paysages.
Tandis que les zones privées se multiplient un peu partout, la Grèce, elle, met en vente certaines de ses plus belles plages. Rien qu'en Italie, le nombre de plages payantes a plus que doublé en dix ans pour atteindre 12 000 contre 5400 en 2001. Cela corres- pond à une plage privée tous les 350 mètres de côte.
Certaines d'entre elles sont de «véritables citadelles clôturées, avec des piscines, des salles de gym et des restaurants». D'autres se contentent d'installer des chaises longues et des parasols qu'on peut louer à la journée pour une vingtaine d'euros. Toutes doivent, cependant, laisser libre une bande de cinq mètres à partir de la mer pour que l'on puisse circuler, mais gare à celui qui voudrait y installer sa serviette : il est interdit de s'arrêter !
Les défenseurs des plages privées estiment que c'est le prix à payer pour avoir un rivage propre, bien entretenu, et sécurisé.
Les conceptions françaises et italiennes, par exemple, s'affrontent : qui doit payer pour l'entretien des plages : le contribuable ou l'usager ?
En Algérie, la question est tranchée : c'est le citoyen lambda qui doit y aller de sa poche! Celui appartenant à la nomenklatura qui s'adonne au jet-ski au Club des pins, Moretti et ailleurs dans notre chère Algérie, n'a pas à se poser ce genre de question «bassement matérielle».
Mais parfois le mal est ailleurs. Ainsi, un concessionnaire affirmant avoir investi des milliards pour installer un espace de jeux sur une plage qu'il louait à la commune à raison d'un million de dinars par saison estivale, se disait victime de squatters qui l'empêchaient de travailler dans la sérénité.
Les collectivités locales peuvent confier à un ou plusieurs sous-traitants, par des conventions d'exploitation, soumises à la concurrence, tout ou partie des activités destinées à répondre aux besoins du service public balnéaire (des lots de plages).
Ces activités doivent avoir un rapport direct avec l'exploitation de la plage et être compatibles avec le maintien de l'usage libre et gratuit des plages, les impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques, ainsi qu'avec la vocation des espaces terrestres avoisinants. Elles perçoivent en retour des recettes correspondantes.
En théorie, les pouvoirs publics ne ménagent pas leurs efforts pour «démocratiser les espaces maritimes, les plages notamment, et permettre à tout le monde d'accéder au loisir gratuit» !
Bon an mal an, les autorités centrales et locales s'attellent à la préparation de la saison estivale :
des dizaines d'établissements publics de wilaya sont mobilisés afin d'aménager les accès et les parkings des plages
des plans de lutte contre les maladies à transmission hydrique sont établis
des plans de circulation routière sont dressés par les services de gendarmerie et de police nationales.
En réalité, les choses virent au pire à chaque saison par la faute des «gros bras» maîtres des plages qui imposent leur diktat en taxant, pour tout et rien, les estivants. A ce rythme, disait quelqu'un, on payera pour accéder à nos maisons, ou pis encore, pour voir nos enfants !
De ce qui précède, on peut s'autoriser à dire que la gestion du dossier des concessions des plages échappe au contrôle de l'Etat, des ministères de l'Intérieur et du Tourisme, des 14 walis des wilayas côtières et des P/APC qui en relèvent !
Avec la fin du Ramadhan et le début des vacances, les Algériens vont-ils, par devers eux, débouler en Tunisie pour pouvoir se baigner tranquillement en famille, sans que leurs femmes ou leurs filles soient victimes d'incivilités, voire de harcèlement ? Ou se résoudre pour les moins nantis d'entre eux à «barboter» dans ce qu'il nous reste de plages libres ?
Peut-être bien, dès lors qu'en Algérie, on compte quelque 220 plages interdites à la baignade pour cause de pollution, les deux tiers restants étant infréquentables pour les familles !
La pollution, oui il faut en parler. Et le ministère de l'Environnement et des Energies renouvelables doit, par exemple, se pencher sur le cas de la zone industrielle de Reghaïa où des rejets sont déversés, via le lac, directement dans les plages de Aïn Taya, Kaddous et Corso. Des lieux mythiques qui doivent rappeler à notre fringant ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, son enfance et autant de bons souvenirs!
L'association des «éboueurs de la mer», dont l'aventure a débuté en 1993, à l'initiative de 8 jeunes plongeurs écologistes de Tamentfoust, appelée La Pérouse du temps de la colonisation française, un nom encore utilisé par les Algérois, est à encourager, voire à être encadrée par Fatma Zohra Zerouati, la ministre de l'Environnement et des Energies renouvelables.
Tous les moyens doivent être mis à la disposition de cette association qui doit être déclarée d'«utilité publique» !
C'est vrai, rien n'est plus comme avant, disent les nostalgiques ! Nos plages sont devenues un espace où il ne fait pas bon vivre.
L'insécurité, c'est le problème majeur malgré les efforts des services de sécurité qui se plaignent d'un manque d'effectif. Qu'est-ce qu'ils pourraient faire de plus pour sécuriser ces espaces maritimes ? Patrouiller davantage afin de rassurer les baigneurs et dissuader les fauteurs de troubles ? Il faut savoir déjà qu'il n'est pas facile de classer socialement la clientèle des plages, d'autant que l'absence de tenue vestimentaire supprime un critère d'identification social important pour l'observateur. A fortiori un gendarme ou un policier.
Et la «chicha», faut-il s'en préoccuper, l'interdire ? Demander aux maires de prendre des arrêtés pour mettre fin à de véritables joutes de fumeries collectives qui empestent l'air, incommodent les enfants et laissent leurs parents décontenancés devant tant de déliquescence morale et d'incivisme ?
Ici, les jeunes fument des «joints» au beau milieu des familles qui n'ont pas le choix. Ces jeunes-là, déjà, ne respectent pas les consignes, encore moins la couleur du drapeau... Qu'il soit vert, orange ou rouge, ils sont dans leurs territoires !
Comment ne pas, dans ces cas-là, avoir une pensée pour le colonel Abdelkrim Nenouche, directeur général de la Garde communale, décédé le 2 mai dernier, qui ambitionnait de transformer le corps dont il avait la charge en police communale.
Pour combattre justement les incivilités décrites supra ! Il est parti malheureusement sans concrétiser son rêve. Dans l'indifférence des pouvoirs publics qui ont «oublié» de rendre hommage au défenseur de la République qu'il était.
Pour l'heure, le ministre de l'Intérieur est, semble-t-il, décidé à faire bouger les lignes !
A commencer par les walis des 14 wilayas côtières ! Il faut éradiquer la maffia des plages, leur a-t-il écrit. Tout un programme pour le ministre et ses collaborateurs, qui auront également à se soucier de l'éclosion, çà et là, des «plages islamiques» et ceux qui les organisent pour, disent-ils, «nettoyer les plages du spectacle de la nudité et de la drague».
La wilaya de Béjaïa, maritime par excellence, est sans wali ! Une opportunité peut-être pour Noureddine Bedoui, le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire de réfléchir sur le profil idoine de celui qu'il aura à nommer et qui, investi d'un pouvoir de police générale, aura autorité dans tous les domaines où s'exerce l'action de l'Etat en mer, notamment :
la défense des droits et intérêts nationaux, particulièrement dans les zones sous juridiction algérienne (mer territoriale, zone économique exclusive) ;
le maintien de l'ordre public en haute mer et sur les plages publiques ;
le secours et la sécurité maritime ;
la protection de l'environnement ;
la lutte contre les activités illicites en mer (pêche illégale, trafic de stupéfiants, migration clandestine, piraterie...).
Ce «wali maritime» – appelons-le ainsi – aura à coordonner l'action en mer des administrations et la mise en œuvre de leurs directives. Et si l'expérience venait à être tentée et aboutissait à des résultats probants, elle pourrait être étendue aux 13 autres wilayas côtières.
C'est à ce prix peut-être que l'on pourra faire prévaloir l'autorité de l'Etat sur les espaces publics maritimes et partant, faire revivre nos 1200 km de côtes, y compris la faune et la flore qu'elles recèlent !

Par Cherif Ali
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