Une étude sur la violence à l'encontre des enfants, menée par les docteurs Benkobbi, Doubali et Souid, du service de médecine légale de la wilaya de Sétif, dévoile des chiffres assez alarmants sur le phénomène. Avec 1,5 million d'habitants, dont 40 % ont moins de 18 ans, Sétif fait partie des 15 wilayas où le taux de criminalité est le plus élevé. L'étude des médecins légistes s'est axée sur la violence à l'égard des enfants, sur une période de 2 ans et demi (du 1er janvier 2006 au 30 juin 2008), et s'est basée sur les registres et certificats faisant état de coups et blessures. Entre 2006, donc, et le 1er trimestre 2008, sur 24 048 consultations effectuées, il a été enregistré 16 766 cas d'agression (soit 70 %), dont 2 378 sur mineurs (14,18%) ; 464 (19,51 %) des victimes de ces agressions sont de sexe féminin, les 1 914 (80,48 %) restants sont de sexe masculin. Il faut signaler que leur nombre va en augmentant avec l'âge des victimes : 77 cas (soit 3,23 %) sont enregistrés chez les moins de 6 ans, 505 cas (21,23%) pour les enfants de 6 à 13 ans et le reste, 1 796 cas (75,52%) chez les 13-18 ans ; 1344 (56,51%) de ces agressions ont lieu en milieu urbain, et 1 034(43,48 %) en milieu rural. C'est en milieu scolaire que l'on relèvera le plus grand nombre d'agressions avec 1 618 cas (68,04 %), alors qu'en milieu non scolarisé, particulièrement parmi les jeunes travailleurs, l'on notera respectivement 585 (24,60 %) et 175 (7,35 %) cas d'agression. Contrairement à ce qui est répandu dans les esprits, (et là, l'on peut se demander si le chiffre n'est pas peu important, sachant que les victimes ne déclarent pas ce genre de « désagréments », à cause de l'opinion publique), 2 211 (92,97 %) de ces agressions sont physiques alors que 167, soit 7,02 %, sont d'ordre sexuel ; 102 victimes de sexe masculin sont enregistrées en matière d'agressions sexuelles, contre 65 pour le sexe féminin ; 74 victimes, soit 44,31 %, ont moins de 13 ans, alors que 93 (55,68 %) de plus. Les agressions sont plus nombreuses en période scolaire avec 937 (69,37%) qu'en période de vacances avec 414 victimes (30,64%). C'est dans les lieux publics que l'on notera le plus grand nombre d'agressions, 2 175, soit un taux de 91,46 %, alors que dans les milieux familial, scolaire, professionnel et autres, il sera relevé respectivement 123, 56, 01 et 23 agressions. Pour les 1 036 cas signalés, les agressions sexuelles se sont déroulées entre 13 h et 18 h ; de 6 h à 13 h l'on comptabilisera 799 cas, et de 18 h à minuit, 486 ont eu lieu et même entre minuit et 6 h, 57 cas seront également signalés. Ce qui veut dire que l'enfant est à toute heure la victime potentielle de ces agressions que rien n'arrête. La violence est présente en permanence Pour 2 219 cas (93,31 %), l'auteur de l'agression est une personne adulte connue de la victime, pour 48 (2,01 %), l'agresseur est un parent, alors que pour 111 cas (4,65%), c'est le fait d'un membre de la famille, du personnel enseignant, d'une autre personne, mineure ou inconnue. « L'arme » la plus utilisée dans les agressions physiques est un objet contondant dans 2 057 des cas, soit 93,03 %, ou tranchant dans 116 cas (5,24 %). Dans la majorité des agressions physiques, 1375, soit 62,18 %, c'est la tête qui est touchée, suivie des membres supérieurs, 308 cas, ou 13,93 %. Il faut noter que sur 2 313 consultations pour violence, 65 ont abouti à une hospitalisation, durant laquelle 17 victimes ont subi des interventions chirurgicales, et 2 211 cas, soit 6,91 %, c'est-à-dire 153, ont eu droit à une interruption temporaire de travail de plus de 15 jours. Ainsi, une lecture plus poussée de cette enquête du service de médecine légale de Sétif, dirigé par Dr S. Benkobbi, nous permet de relever que la personne victime de violence est l'adolescent de 13 à 18 ans, dans son milieu, urbain ou rural, et que 3 fois sur 4, c'est un garçon. La violence est présente en permanence, tout au long de l'année. L'agresseur est dans la plupart des cas un adulte connu, ou étranger à la famille. Par ailleurs, selon une enquête sur l'enfant maltraité émanant du ministère de la Solidarité, les parents en seraient les auteurs dans 76,68 % des cas, alors que dans l'étude présentée par l'équipe du Dr Benkobbi, ceux-ci ne représentent que 2%. Les conclusions de ce travail de recherche signalent que le la violence intrafamiliale est encore un sujet tabou dans la société algérienne pour des considérations culturelles et religieuses. Et même si les lois existent pour protéger l'enfant contre toute forme de violence, parentale, scolaire et autre, (il ne faut pas oublier que l'Algérie a ratifié, en 1992, la convention internationale des droits de l'enfant), beaucoup reste à faire pour procurer à nos garnements une protection totale contre cette violence présente partout dans une société en pleine mutation. Selon des spécialistes, beaucoup reste aussi à faire au plan législatif, et surtout la concrétisation des textes de lois existants ou à venir pour le bien-être de l'enfant algérien.